Lectures de janvier
Jan. 30th, 2024 01:14 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
"L'autre moitié du songe m'appartient", par Alicia Gallienne
Pour la catégorie "Un livre d'un auteur de votre région (ou ville)" de bingo_livres
Poésie, environ 350 pages. L'auteure est une jeune femme née à Bobigny en 1970 et morte en 1990. Sa poésie, écrite entre 1986 et 1990, célèbre l'amour (romantique mais pas seulement, aussi sa famille et ses amis) et la vie, d'autant plus intensément qu'elle sait qu'elle n'en a pas pour longtemps. On y trouve aussi de nombreuses références littéraires alors qu'elle découvre de nouveaux auteurs.
J'ai trouvé certains des premiers poèmes un peu maladroits, de façon pas vraiment surprenante, mais les critiques dithyrambiques m'avaient fait imaginer autre chose. Heureusement, on sent son écriture mûrir de page en page, d'année en année. Son sens de la formule est impressionnant, et l'émotion est palpable. J'aime moins la structure de ses poèmes, longs, et qui semblent souvent suivre sa pensée sans planification - même si cela aussi devient moins vrai vers la fin.
Cela ira
Je n'ai pas peur du noir
Et puis il n'y a pas de vautours
Dans les étoiles
8/10
"Métamorphose en bord de ciel", par Mathias Malzieu
Pour la catégorie "Un livre en rapport avec une maladie" de bingo_livres
Roman, environ 110 pages en epub. Le personnage principal, Tom Cloudman, est le plus mauvais cascadeur du monde, tellement qu'il en a fait un spectacle. Un jour, on lui diagnostique un cancer, et malgré ses essaie de s'enfuir dans sa tête, la noirceur le rattrape. Il rencontre une femme oiseau qui lui propose un échappatoire : il peut être guéri s'il se transforme en oiseau.
Comme d'habitude, j'adore l'écriture poétique de Mathias Malzieu. J'aime aussi son écriture de la maladie, des hôpitaux, du monde médical. La romance me plait plus que d'habitude dans ses livres, ce qui n'est pas dire grand chose ; au moins la femme d'une parfaite beauté qui tombe amoureuse du héros a une intériorité et une personnalité. La fin est douce-amère, renoncer à son humanité a un prix, et les fausses funérailles qu'on lui organisent ne sont pas qu'une supercherie. Il y a certaines scènes sexuelles qui me mettent un peu mal à l'aise, c'est dommage.
8/10
"Hijra", par Ash Kotak
Pour la catégorie "Théâtre" de bingo_livres
Théâtre, environ 120 pages. Nils est un anglais d'origine indienne. Alors qu'il retourne en Inde pour les vacances, sa famille veut absolument le marier ; il leur cache qu'il est homosexuel. En Inde, il rencontre Raj, qu'il aime, mais ne peut épouser pour aller vivre ensemble en Angleterre, car c'est un homme. La mère de Raj est une hijra, une prêtresse transexuelle/travestie, et elle a l'idée de faire passer Raj pour une femme pour résoudre à la fois le problème de parents acharnés et de paperasse. Cela ne va pas marcher très bien.
J'aime beaucoup les thèmes de cette histoire, certaines des idées, certains moments de bravoure comme la mère de Raj qui explique l'origine mythique des hijras, ou la mère de Sheila qui essaie de la convaincre de se venger de Nils. Mais l'humour n'est pas assez drôle pour moi (ce qui peut probablement changer quand on le voit sur scène) et les thèmes sociaux (en particulier sur Raj qui découvre les mauvais côtés de vivre comme une femme) ne vont pas assez profond pour moi, et l'écriture est celle de conversations réalistes, ce qui est certainement un point positif pour certains lecteurs mais j'aime mon théâtre plus littéraire. Donc j'ai aimé mais pas adoré.
7/10
"Troilus and Cressida", par William Shakespare
Pour la catégorie "Un livre du 17e siècle" de bingo_livres
Théâtre, environ 200 pages en bilingue. La pièce de Shakespeare qui se passe pendant la guerre de Troie. Troilus, fils de Priam, aime Cressida. La courtiser est difficile et cela devient encore pire quand son père, Calchas, passe dans le camp des grecs. Pendant ce temps, les évènements de l'Iliade ont lieu, un peu déformés, sans Briseis. Pendant toute la pièce, je me suis demandée, et alors, ces deux arcs vont se recoller à la fin ? La réponse est non, ou à peine, et l'unité est plutôt thématique, et déprimante : les amants parlent d'amour éternel, les guerriers parlent d'honneur, mais à la fin la plupart des gens font des choix mesquins et sans honneur. Thersite, le "bouffon" des grecs, a raison à la fin : l'amour et la guerre, tout n'est qu'une sordide histoire de sexe.
Ce n'est donc pas une fin très satisfaisante à lire, que ce soit pour le scénario ou pour le moral. Non seulement le choix final de Cressida est peu sympathique, mais il semble incohérent (d'après la préface Shakespeare s'est inspiré d'oeuvres où les faits sont les mêmes mais la chronologie différente, et ça marche mieux). Il y a quelques autres incohérences de caractérisation mineures, d'ailleurs. Et les persos féminins en général sont très moyens. Je ne le recommande objectivement pas.
Alors, pourquoi je mets une bonne note ? Parce qu'une bonne partie des scènes individuelles sont excellentes à lire, toujours bien écrit, et parce que c'est intéressant de voir ce que donne Shakespeare avec des persos que je connais. Les manipulations d'Ulysse sont chouettes. La relation entre Enée et Diomède est excellente. Le ship entre Achille et Patrocle est principalement présent par les remarques homophobes de Thersite, mais c'est quand même mieux que ce que j'attendais. Et cette version de Patrocle, qui fait des imitations d'Agamemnon ou Nestor pour faire rire Achille, est la plus drôle que je connaisse.
Oh, et dans les personnages originaux ou presque, je suis désolée pour Pandarus, que ce soit pour la façon dont il se fait traiter en tant qu'entremetteur, ou même sa brève rencontre avec les serviteur de Paris qui fait des jeux de mots sur tout.
8/10
"Pourquoi les bus arrivent-ils toujours pas trois ?", par Rob Eastaway et Jeremy Wyndham
Pour la catégorie "Un livre dont la couverture est majoritairement rouge" de bingo_livres
Environ 220 pages, un livre sur les mathématiques et la façon dont on peut les appliquer dans la vie de tous les jours. Les mathématiques sont tout à fait intéressantes, un peu basiques pour moi (et trop de formules sont balancées parce qu'elles sont jolies sans expliquer leur sens), mais c'est un livre de vulgarisation, et le chapitre sur la statue de Nelson m'a quand même appris quelque chose. Quelques passages de "pour aller plus loin" sont tentants, et pas évidents même pour moi.
Mais ce n'est pas mon livre de vulgarisation mathématique préféré, parce que :
* Les titres de chapitre sont des clickbaits. C'est du genre "Pourquoi ne trouve-t-on jamais de trèfles à quatre feuilles ?", et il explique que les nombre de feuilles/pétales des fleurs sont souvent des nombres de la suite de Fibonacci, part sur le nombre d'or dans la nature, et... ne répond jamais à la question. Sous-entendu-il que les trèfles à quatre feuilles n'existent pas ? S'ils existent, comment se forment-ils au mépris de ce qui a été expliqué plus haut, est-ce un cas d'éclairage irrégulier ? Je n'aurais rien à redire au chapitre s'il avait eu un autre titre ! C'est juste que quand on pose une question, on y répond, ou on avoue l'impossibilité d'y répondre !
* En général, la structure d'un chapitre est "ce truc mathématique cool me fait penser à quelque chose d'autre tout aussi cool", je ne sais pas si c'est vraiment libre et sans structure ou s'il veut donner cette impression, mais j'aime quand c'est un peu plus structuré.
* Certains exemples sont vraiment de droite (ce qui sera un point positif pour certaines personnes, mais pas pour moi). Le chapitre sur la logique se moque d'un homme qui fait un procès à une entreprise en disant qu'il est devenu sourd à cause du matériel bruyant, parce qu'"il existe d'autres causes à la surdité, cela ne peut pas être prouvé", et aucune notion de corrélation ne vient rendre cette affirmation moins péremptoire.
6/10
"Tailchaser's Song", par Tad Williams
Pour la catégorie "Un livre en rapport avec les animaux" de bingo_livres
Roman, environ 330 pages. Le personnage principal est un chat haret, qui fait partie d'une société de chats qui se réunissent à chaque pleine lune. Il y a de plus en plus de disparitions, dont la jeune chatte qu'il aime, et il décide de partir la chercher.
La société et les légendes des chats ont été comparées à Watership Down, mais ici les légendes ne sont pas juste du worldbuilding, et les héros se retrouveront plongées en plein milieu d'une épopée mythique.
Il y a plein d'aspects charmants, mais le scénario est un peu prévisible, et l'écriture des personnages féminins douloureuse ; apparemment, l'auteur a des chats et a constaté en les observant qu'ils étaient une société patriarcale ? Nous n'avons pas les mêmes chats.
7/10
"Glaise", par David Almond
Pour la catégorie "Un livre en rapport avec la terre" de bingo_livres
Roman, environ 280 pages. David vit dans une petite ville paumée d'Irlande. Un nouveau mystérieux, Stephen, arrive en ville, il sent la glaise, il fait des statues incroyables, et il blasphème sur Dieu qui n'est pas le seul capable de donner la vie à la glaise, et est prêt à le prouver. David et son ami George, qui ont des problèmes avec un protestant du village voisin qui les harcèle, pourraient se laisser tenter par son aide...
On m'a dit "une histoire de golem", mais en fait le paradigme est 100% chrétien. Le côté surnaturel est bien, Stephen a du potentiel en tant que personnage même si son côté menteur fait qu'à la fin, on est forcé de se base sur ses propres théories.
Mais j'ai quand même eu du mal avec le livre, parce que le message est entièrement : être normal est bien, si on veut sortir de la norme on sera trompé et déçu, la rumeur a toujours raison, regarde ce garçon artiste, avec une mère malade mentale, et vaguement homosexuel, bien sûr c'est le mal incarné et David aurait dû se contenter de boire, fumer, sortir avec une fille comme un mec normal. Aucun second degré là-dedans.
6/10
Progression : 7/52
"Risques de lecture" : L'autre moitié du songe m'appartient, Métamorphose en bord de ciel, Hijra, Pourquoi les bus arrivent-ils toujours par trois ?, Tailchaser's Song, Glaise -> 6/26
Bingo-livres : 9/25
Bonus :
"Les sept épreuves de Rostam", par Hamid Rahmanian et Simon Arizpe
Pour la catégorie "Un pop-up ou autre livres aux pages découpées de façon non-standard" de bingo_livres
J'avais déjà lu et beaucoup aimé "Zahhak", du même auteur. Les pop-ups sont toujours aussi impressionnants. Les dragons prennent vie ; on tire sur une languette et la jardin enchanteur devient le repaire pourrissant d'une sorcière. Je suis presque sûre que Rostam a une vraie plume à son chapeau.
L'histoire, comme la précédente, est un conte adapté du Livre des rois, en bilingue français et perse. Mais le conte est moins intéressant pour moi. Zahhak était un personnage moralement ambigu très intéressant. Rostam est un héros héroïque dont le seul défaut est de ne pas toujours écouter son cheval (qui est plus intelligent que lui).
Ceci dit, cela reste une jolie histoire, et surtout une oeuvre magnifique.
8/10
"Le Horla", adapté en BD par Guillaume Sorel
Pour la catégorie "Un livre qui est une adaptation" de bingo_livres
Une adaptation en bande dessinée du Horla de Maupassant. Les dessins sont très jolis, je n'ai rien à redire dessus. Plutôt que d'avoir le héros écrire ses émotions dans son journal, on le voit raconter sa vie à son chat, ce qui est plus sympathique, mais pour moi, mène à penser que le chat joue/va jouer un rôle, alors que pas tellement.
En général, les tentatives de le rendre plus sympathique ne marchent pas tellement. Le fait qu'il se rappelle les noms des serviteurs qu'il tue accidentellement n'empêche pas qu'il avait complètement oublié leur existence.
La relation avec le Horla est plus homoérotique que dans le livre. L'auteur cède à la tentation de montrer son talent en dessinant une créature transparente plutôt que totalement invisible, et disons qu'elle a pas de vêtements et un joli fessier.
Ceci dit, la BD échoue à ce que je préfère dans le livre : représenter le sentiment d'horreur du personnage principal, l'ambiguité alors qu'il sombre dans la folie et on ne sait pas si c'est à cause du monstre où si elle lui fait imaginer le monstre.
7/10