Lectures de mai
May. 30th, 2021 08:21 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
"Le roman de Silence" par Heldris de Cornouailles
Roman médiéval, environ 100 pages. C'est inspiré par l'histoire de Grisandole dans le cycle de Merlin, et d'ailleurs, le dernier chapitre en est très proche. Mais cela n'empêche pas que l'auteur en fait un roman complet, présentant d'abord pourquoi le roi d'Angleterre interdit aux femmes d'hériter, puis comment les parents de Silence, après une cour plus embarrassée qu'ils ne devraient, ont une fille et décide de l'élever comme un garçon pour ne pas perdre leur héritage, comment Silence s'enfuit avec des musiciens et apprend la musique, comment il (ou elle) devient chevalier, se fait courtiser par la reine, puis injustement accuser de viol après l'avoir rejetée... L'épreuve où il doit capturer Merlin pour se faire pardonner du crime qu'il n'a pas commis, puis où Merlin dévoile les hypocrisies de la cour, n'en est que la conclusion. A la fin (spoilers), Silence redevient une femme, ce qui est un peu décevant mais est son choix, puis épouse le roi, ce qui est très décevant, d'autant plus que si l'auteur ne s'est pas trompé dans ses généalogies c'est son grand-oncle.
Le personnage principal est sympathique, quoique un peu trop parfait, mais j'aime son dilemme sur continuer à mentir sur sa naissance ou pas. Il est vraiment dans une situation difficile.
Le narrateur, qui est probablement aussi l'auteur, ne perd jamais une occasion de donner son avis et de partir dans des digressions, ce qui ne me gênerait pas, et serait même drôle, si ses opinions ne m'énervaient pas autant, qu'il dise du mal des irlandais (apparemment c'est un cliché), des femmes (qu'il présente comme mauvaises de nature pour insister encore plus sur la vertu de son héroïne), des seigneurs qui ne paient pas assez les artistes (je suis plutôt d'accord mais son biais se voit tellement). Et ses allégories sur la Nature qui l'emporte toujours sur la Culture sont un peu lourdes.
Donc voilà, l'histoire est sympa, le livre pas tellement.
6/10
"Les serres du pouvoir" par Tui T. Sutherland
Et je continue la série de dragons de mon neveu ! Roman, environ 380 pages, les aventures de Triton, cette fois, le frère secrètement magicien animus de Tsunami, Anemone et Frégate.
Dans ce tome, Spectral est revenu, et personne ne semble se rendre compte qu'il est le Grand Méchant, probablement pour des raisons magiques. Triton réussit, grâce à sa propre magie, à ne pas se faire remarquer par lui, à enquêter sur ses buts et ses actions. Le suspense est palpable : Spectral est tellement plus fort que lui que s'il se fait repérer, c'est fini.
J'aime beaucoup, d'ailleurs, comment Spectral réussit à être un personnage compréhensible, avec de vrais sentiments et sa propre logique, et à être complètement horrible quand même.
Le livre réussit encore une fois très bien à faire le "on croyait tout connaître du cadre familial du héros, mais on découvre de nouvelles choses quand même, et même lui découvre de nouvelles choses". C'est un des thèmes centraux de cette série, comprendre vraiment sa famille, et c'est bien fait.
Le personnage est très mignon sans être un de mes préférés, mais surtout la magie animus devient de plus en plus effrayante dans ce tome, on a du mal à comprendre ses limites. Encore un tome et c'est la fin de cet arc !
7/10
"The Monster of Elendhaven" par Jennifer Giesbrecht
Roman court, environ 160 pages. Dans un univers qui n'est pas le nôtre mais y ressemble parfois, une ville industrielle du nord ruinée par la pollution magique. Une histoire d'horreur du point de vue des monstres. L'un d'entre eux ne peut pas mourir, et sa compétence principale est tuer. L'autre est un sorcier qui désire vengeance. Une relation complexe va se nouer entre les deux.
J'aime beaucoup le worldbuilding d'un point de vue esthétique. L'écriture est très efficace pour rendre le sentiment de déreliction de la ville, des personnages, de l'univers en général. Les révélations finales sur Johann et Florian sont parfaitement menées et très satisfaisantes.
Je l'aime moins d'un point de vue narratif. C'est un univers tellement sombre qu'on a l'impression que quoi qui se passe, cela va être horrible, et cela n'a pas réussi à créer de vrais enjeux pour moi. Je pense que c'est différent pour les gens qui sont plus investis émotionnellement dans la romance entre Johann et Florian, ou même qui sont pour l'accumulation d'horreurs par empathie envers eux.
7/10
"Mythologie du vampire en Roumanie" par Adrien Créméné
Non-fiction, environ 250 pages. L'auteur n'a pas fait de recherches folkloriques par lui-même (en Roumanie à l'époque soviétique, c'était dangereux, et, plus grave, probablement infructueux) mais a lu de nombreux textes, articles de recherches, livres de vulgarisation ou archives, qui n'existent qu'en roumain.
Le livre commence par une introduction expliquant que Dracula en tant que vampire est purement l'imagination de Bram Stoker : oui, Vlad Dracula a une légende, oui, il y a de nombreuses légendes de vampires, non, aucun des locaux ne croit que c'était un vampire. Ensuite, il passe à la partie qui l'intéresse, où les vampires dans un village sont souvent des magiciens ou personnes à la réputation étrange, mais où ce n'est pas spécialement une métaphore pour les aristocrates et les riches, même s'ils ont de la magie qui leur permet de voler le grain ou le lait des voisins.
C'était intéressant, exhaustif, et j'ai appris plein de choses ! Vraiment, les vampires folkloriques devraient être plus utilisés en fiction ! La partie sur les différentes formules magiques d'exorcisme anti-vampire n'est pas ma préférée, un peu répétitive, mais est objectivement intéressante.
Par contre l'auteur me frustre parfois, dans le sens qu'il passe sans aucune transition de la vision du monde à laquelle les roumains croient à sa propre interprétation, une sorte de paradigme shamaniste universel où il utilise des mots tels que "antimonde" ou "antiunivers" qui ne fait clairement pas partie de la légende du vampire. Je sais que c'est un ouvrage de vulgarisation, pas de recherche, mais j'aurais aimé qu'il sépare les deux de façon plus propre.
7/10
"La taupe rouge" par Julian Semenov
Pour la catégorie "Espionnage" de bingo_livres
Roman, environ 400 pages. Max Stierlitz est un soviétique sincère, en infiltration profonde depuis des décennies dans l'Allemagne nazie. Alors que 1945 et la défaite se rapprochent, il entame sa dernière mission : empêcher des nazis qui grondent contre Hitler de conclure une paix séparée avec les Etats-Unis pour une alliance contre les soviétiques.
C'est le genre de livre d'espionnage avec très peu d'action, beaucoup de manipulation très complexe, personnelle, politique et bureaucratique, à plusieurs niveaux et des plans derrière les plans. Où ceux qui travaillent pour vous sont censés être traités comme des atouts qu'on peut abandonner quand ils deviennent inutiles, mais où le personnage principal est humain, et fait jouer son affection pour eux dans ses décisions, autant qu'il peut se le permettre. C'est bien fait, bien mené, psychologiquement crédible, intellectuellement complexe, avec du suspense intense malgré le peu d'action. De nombreux personnages principaux sont des nazis historiques, et je pense que ce serait encore plus intéressant pour des fans de la seconde guerre mondiale, qui n'auraient pas à faire des efforts pour se rappeler qui est qui, et qui a autorité sur qui. Aussi, je ne suis pas partie pour avoir le moindre intérêt pour eux, ce qui fait que je n'ai pas apprécié ce livre autaunt que j'aurais pu
La préface (pas de l'auteur) était assez insupportable, en mode "je n'arrive pas à comprendre pourquoi tout le monde dit du mal de Poutine, d'ailleurs, ce héros est assez comme lui", et je conseille de ne pas la lire. Même si c'était intéressant de voir qu'il existe toute une série, pas encore traduite, sur le même personnage.
7/10
"Cendrillon" par Joël Pommerat
Théâtre, environ 100 pages, suivi d'un dossier. C'est une réécriture moderne de Cendrillon sur le thème du deuil. Cendrillon accepte les abus pour se punir, car elle a l'impression de ne plus penser assez à sa mère morte. Quand elle rencontre le prince, il est dans le déni quant à la mort de sa propre mère. C'est une vision intéressante, qui m'a laissé néanmoins un goût un peu amer dans la bouche avec l'insistance sur "Cendrillon n'est pas innocente", je sais que ce n'est pas censé être généralisé, mais cela laisse quand même l'impression que les gens qui se font abuser l'ont bien cherché.
L'histoire centrée sur le deuil n'empêche pas des traits d'humour, avec la fée incompétente (ses conseils aident plus que sa magie), la belle-mère qui fantasme complètement tout en étant persuadée d'être la seule réaliste de la famille, et bien sûr le langage très moderne, de tous les jours, parfois vulgaire. Qui n'est pas spécialement à mon goût, alors que le reste m'a fait rire.
Le dossier après explique comment Joël Pommerat crée ses pièces, où la mise en scène, les décors, le jeu d'acteurs, sont planifiés en même temps que le texte plutôt que d'en être une adaptation, et où le texte n'est complet qu'après la fin de la pièce. C'était très intéressant. Cela explique aussi pourquoi le texte tout seul est parfois frustrant par rapport à ce que le dossier laisse imaginer de la pièce, des costumes, des images, des sons, cette maison de verre où les oiseaux viennent mourir.
6/10
"Frère Wulf 1 - L'enlèvement de l'épouvanteur" par Jospeh Delaney
Roman, environ 300 pages. Quand il n'y en a plus, il y en a encore ! La série de L'épouvanteur s'est finie de façon qui ne m'a pas satisfaite sur tous les points, mais était une vraie fin. Ceci n'est pas tout à fait une suite, plus un spinoff, centré sur un personnage totalement différent et qu'on peut lire à part. Tom et Alice apparaissent en tant qu'acteurs majeurs de l'occulte dans le Comté, mais ils restent en fond.
Le personnage est un ancien moine, et la série repart sur l'Inquisition, qui était centrale dans le tome 2 et qu'on n'avait pas vue dans les détails depuis longtemps. Le gore qui leur est associé est presque plus terrible que celui des monstres. Aussi, l'auteur trouve le moyen d'appronfondir encore son worldbuilding. Le personnage est sympathique, mais je suis toujours déçue du potentiel gaché de Jenny, donc je mettrai probablement un moment avant de m'y attacher.
7/10
Progression : 37/52
"Risques de lecture" : The Monster of Elendhaven, Mythologie du vampire en Roumanie, La taupe rouge -> 22/26
bingo-livres : 25/25