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"Il neige dans la nuit et autres poèmes", par Nâzim Hikmet
Pour la catégorie "Littérature de la Méditerranée" de bingo_livres
Poésie, environ 400 pages. Nâzim Hikmet est un poète turc du 20e siècle qui a été en prison pendant quinze ans pour ses idées socialistes. Ce recueil présente une collection de ses poèmes. Une grande partie d'entre eux sont des poèmes lyriques écrits en prison, puis, ensuite, en exil dans les pays socialistes. IL parle de ses idéaux, et aussi, des multiples femmes dont il a été amoureux. La seconde partie est consacrée à des poèmes épiques (un genre passé de mode à l'époque, j'apprécie l'originalité), souvent sur les luttes des petites gens.
Le personnage est remarquable ; avec une poésie si personnelle, c'est à peu près impossible de le séparer de son oeuvre. L'écriture poétique n'est pas pas préférée (et bien sûr on perd toujours en traduction), mais les sentiments et les idéaux sont enivrants.

Je suis entré à Sofia par un jour de printemps, ma douce
La ville où tu es née fleure le parfum du tilleul.(...)
La ville où tu es née est pour moi une maison fraternelle aujourd'hui
Mais on n'oublie pas sa propre maison, même chez son frère.

C'est un dur métier que l'exil, bien dur.

8/10


"Au rendez-vous allemand", par Paul Eluard
Pour la catégorie "Un livre d'un auteur de votre région (ou ville)" de bingo_livres
Poésie, environ 100 pages. J'ai lu déjà plusieurs recueils d'Eluard, et j'ai lu plusieurs des poèmes de ce recueil parce qu'on les trouve absolument partout dans des anthologies, mais je n'avais jamais lu celui-là spécifiquement.
Eluard est capable décrire des poèmes très simples, et pourtant avec des images très surprenantes, frappantes, et qui ne correspondent à rien de réel. Ce double talent lui a permis de publier "Poésie et vérité" en 1942 (avec la complicité de l'éditeur), un recueil qui n'est jamais ouvertement sur la Résistance, pas de façon prouvable, mais qui l'est quand même de façon émotionnellement évidente. Cela peut parler de nuit, ou de feu, ou de mort, ou des loups, ou de la liberté dans ce qui est peut-être son poème le plus connu, et c'est à la fois très clair et caché par l'abstraction.
La première partie, "Au rendez-vous allemand", contient des poèmes qui sont encore plus explicites, et qui, eux, n'ont pas passé la censure. Ils étaient publiés dans des brochures distribuées illégalement ("L'honneur des poètes" que j'ai lue, et d'autres dont je n'avais jamais entendu parler), certains seulement pour lui. D'autres encore pendant la libération, avec la colère contre les collaborateurs à qui on pardonne tout parce qu'ils se retournent à la dernière minute, avec la compassion pour cette femme qui a été tondue à la libération.
Et puis, à la fin du recueil, quelques notes d'Eluard, et quelques poèmes plus anciens sur la Guerre d'Espagne, rajoutés ici pour l'unité de thème.
J'aime beaucoup l'écriture d'Eluard en général, et comme, quand ici, sa simplicité se mêle à des sentiments héroïques et grandioses, cela rend un effet incroyable. J'aime aussi son sens de la structure, du parallèle et de la symétrie, dans les poèmes plus longs.

DU DEHORS

La nuit le froid la solitude
On m'enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi l'herbe trouva le ciel
On verrouilla le ciel
Ma prison s'écroula
Le froid vivant le froid brûlant m'eut bien en main.

9/10


"Je franchis les barbelés", par Souad Labbize
Pour la catégorie "Littérature africaine" de bingo_livres
Poésie, environ 100 pages. Cette poétesse contemporaine algérienne vivant en France m'avait été conseilléee par Satanders. Ce tome contient deux recueils : "Baluchon d'exil", sur le fait d'être éloignée de son pays et de sa culture, et "Berceuse pour le dieu de la guerre", un réquisitoire contre la guerre sainte, sauf que c'est moins violent que quand je le décris, c'est tout en demi-teintes.
Les poèmes sont courts, souvent avec une chute. Certains m'ont frappée en pleine face, pour d'autres je n'ai pas eu le sentiment d'avoir compris. Le souvenir de ce recueil me donne pourtant l'impression d'être très beau, à la fois initmiste et incisif.

Dans ma bouche maternelle
le mot guerre est court
celle qui l'a inventé
n'a pas eu le temps
de le finir

harb commence par une douleur
au fond de la gorge
et meurt en atteignant
le bout des lèvres

8/10


"Gulp – Adventures on the Alimentary Canal", par Mary Roach
Pour la catégorie "Un livre en rapport avec la nourriture" de bingo_livres
Non-fiction, environ 320 pages. C'est le deuxième livre de vulgarisation scientifique que je lis de cette auteure ; celui-là est sur la digestion et le tube digestif en général, partant des papilles gustatives et finissant par l'anus.
Les bases ne sont pas présentées de façon ordonnée - parfois au coin d'une phrase, en supposant que tout le monde les connaît. Non, cela parle plutôt de faits peu connus, dissipe quelques idées reçues (mais pas toutes), raconte beaucoup d'anecdotes. En plus de lire une grande quantité de livres, pour faire sa recherche, Mary Roach est allée interroger personnellement des experts de nombreux domaines, que ce soit le goût de la nourriture pour animaux, les problèmes digestifs d'Elvis Presley, le rôle de la salive, ou la meilleure façon de faire passer de la contrebande en la cachant dans l'anus (cette dernière interview a été réalisée en prison).
C'était drôle à lire et intéressant. Finalement trop court. Il y a certains sujets dont je suis soulagée qu'elle ne les ai pas traités (tout ce qui concerne la diététique et les régimes est très polémique et ce n'est pas le genre du livre, certaines modes nutritionnelles du passé sont étudiées mais pas les plus récentes), et certains sujets où j'étais un peu déçue (le pancréas ne fait pas partie du tube digestif... techniquement non... mais c'est un peu dommage).
Vu le sujet, certaines constatations sont peu ragoûtantes, de façon qui porura rebuter certains lecteurs, et au contraire en amuse énormément d'autres. Si vous avez toujours rêvé de tout savoir sur la constipation, à la fois d'un point de vie scientifique, médical, et avec des anecdotes crades, ce livre est fait pour vous !
8/10


"Tu vis ou tu meurs", par Anne Sexton
Poésie, environ 400 pages. Anne Sexton est une poétesse américaine du 20e siècle. A la suite de problèmes mentaux, elle a été hospitalisée, a dû quitter ses enfants, et a vu dans la poésie un exutoire. Sa poésie est de style "confessional", très personnelle, mais pas toujours claire pour autant ; souvent, une référence uncompréhensible, justement trop personnelle.
Ce volume regroupe quatre recueils : "Retour partiel de l'asile", "Tous mes chers petits", "Tu vis ou tu meurs", et "Poèmes d'amour". Il ne contient pas ses réécritures contemporaines et pragmatiques de contes de fées (ni, sans doute, d'autres oeuvres dont je n'ai pas entendu parler).
Je me sens presque coupable de ne pas être entrée dedans. Je n'ai rien à reprocher. Chaque poème - en général assez long - a de beaux vers de de belles images. Mais si on me demande sur quoi sont les recueils, je dis, sur Anne Sexton, si on me demande qui est Anne Sexton, je dis, je ne sais pas. Ses poèmes sur sa tristesse d'être séparée de ses enfants, sur son désir de mort en parallèle avec le fait de combattre ses idées suicidaires, m'ont touchée, mais ce ne sont qu'une petite partie du recueil. J'ai l'impression qu'elle mérite plus de compassion que je lui en ai accordé.

Les parois de cette grotte
étaient de toutes les nuances de bleu
et tu as dit : « Regarde ! Tes yeux
sont couleur de la mer. Regarde ! tes yeux
sont couleur du ciel. » Et mes yeux
se sont fermés comme si
soudain ils avaient eu honte.

7/10


"Bain de lune", par Yanick Lahens
Pour la catégorie "Un livre primé en France" de bingo_livres
Roman, environ 270 pages, prix Femina 2014. Dans la scène de début, suivie par quelques autres scènes dans la même continuité, une jeune fille se rappelle les évènements qui l'ont ramenée échouée sur une plage déserte. Dans l'histoire principale, on nous raconte la saga de la famille, et comment cela l'a amenée ici. Il y a quatre générations, les Mésidor ont dépouillé les Lafleur de la plus grande partie de leurs biens. Il y a deux générations, un Mésidor est tombé amoureux d'une Lafleur.
Ce roman est un chant d'amour au paysan haïtien et à sa vie quotidienne, dure mais sincère. Il raconte les troubles politiques qui ont agité le pays sous un angle original, vu d'en bas, où les oppressions et la pauvreté changent mais persistent. Il raconte aussi - et c'est une des raisons pour lesquels j'ai acheté le livre - la pratique quotidienne du vaudou, l'intensité des cérémonies, la façon dont cela se mélange avec un vernis chrétien et dont le curé local s'en accomode. Les cérémonies vaudou restent, pour moi, les meilleures scènes.
Malheureusement, il y a beaucoup de choses que j'espérais et que je n'ai pas eues. Les personnages ne sont pas assez campés pour moi, pas assez sympathiques - je pense que c'est volontaire, par amour du réalisme. Pareil pour les quelques romances dont aucune n'est épique, ça ne parle que de désir sexuel intense et éphémère. Pareil pour l'absence d'humour. Le plot twist de fin m'a eue, mais il ne recolle pas les deux époques comme j'espérais. Ce n'est pas un problème avec le livre, plutôt avec le genre et la différence avec ce que j'aime lire.
7/10


"Alexis ou le traité du vain combat - Le coup de grâce", par Marguerite Yourcenar
Pour la catégorie "Epistolaire" de bingo_livres
Deux novellas, environ 250 pages en tout, seule la première est épistolaire. Elles sont chacune accompagnées d'une préface, qui vise en partie à remettre dans le contexte historique pour une réédition des décennies après, et en partie à expliquer "non, ce n'est pas parce que mes personnages disent cela qu'ils le pensent, ce n'est pas parce qu'ils le pensent que c'est vrai".
Dans Alexis, le personnage éponyme écrit une longue lettre à sa femme pour lui expliquer pourquoi leur mariage est un échec et il compte la quitter. Il raconte, à mots couverts mais clairs, comment il a toujours été attiré par les hommes, comment il l'a épousé en croyant guérir, et l'amertume que cela n'ait pas marché le ronge, sans compter qu'elle souffre de ne pas être aimée sans comprendre pourquoi. Le rencontres homosexuelles elles-mêmes sont très peu racontées, ce qui est normal, vu la personne à qui cela s'adresse. Les remords, les compromis, alors qu'on essaie de combattre ses penchants et échoue, constituent le centre de l'histoire. Cela s'accompagne de réflexions qui peuvent concerner n'importe qui (quelles parts de notre passé nous forme, à quel point l'âme et le corps sont-elles séparées, quelles sont les obligations morales qui peuvent pousser à se nier soi-même). Alexis n'est pas très sympathique (exprès) et les autres personnages peu développés (exprès aussi, il n'est pas le genre qui comprend les autres) le scénario n'en est pas vraiment un, mais l'écriture poético-philosophique est très belle.
Je savais que cela faisait partie de la littérature queer, comme plusieurs autres romans de Yourcenar. Je n'avais pas entendu parler de celui qui l'accompagne, "Le coup de grâce". Cela se passe juste après la première guerre mondiale, avec des Blancs qui combattent les soviétiques en Lettonie. Erik est un de ces combattants, au château où son meilleur ami Conrad a passé son enfance, et dans la même unité. Sophie, la soeur de Conrad tombe amoureuse de lui, il la refuse, mais la relation entre les deux n'en devient que plus complexe et malsaine.
Contrairement au précédent, et, pour être honnête, à beaucoup de Yourcenar que j'ai lus, cette histoire ne creuse pas seulement son personnage principal, et Sophie est fascinante, mélange de droiture et de perversion. Erik, même si on a son point de vue - sa confession - peut se mentir à lui-même (était-il secrètement amoureux de Conrad ? Peut-être, même si je n'avais pas été spoilée pour le thème de l'homosexualité dans cette histoire, mais de toute façon ce n'est pas leur seul problème). De plus, même si la fin est jouée d'avance, il y a aussi beaucoup plus d'action, et j'ai beaucoup aimé voir cette tragédie se dérouler (malgré le narrateur d'extrême-droite ^^).
8/10


"Contes du désert", par Sidi Mohamèd Iliès
Pour la catégorie "Un livre en rapport avec le désert" de bingo_livres
Contes, environ 100 pages. Déjà, quelque chose que j'apprécie, c'est que le nom sur la couverture est celui du conteur Touareg, et pas celui du collecteur et compilateur français. C'est déjà rare que le nom sont mentionné dans le livre, encore plus dans de la littérature jeunesse, et là, le collecteur n'a même pas son nom sur la couverture ! Juste dans la préface !
Les contes eux-mêmes sont des histoires où je n'ai jamais lu le texte spécifique, mais où beaucoup de schémas sont classiques. Il y a des histoires d'animaux, des contes facétieux, quelques contes merveilleux (pas assez à mon goût, je suis biaisée, ce sont mes préférés). Le trickster chacal s'appelle Mohamed :D
J'ai particulièrement aimé un conte entre merveilleux et horreur d'un homme qui épouse une diablesse (ou femme-djinn). Plusieurs des contes d'animaux ont des chutes vraiment frappantes, dont le premier. C'était un très bon livre de contes !
8/10


"Supernatural horror in literature", par H. P. Lovecraft
Pour la catégorie "Essai" de bingo_livres
Essai, je l'ai lu en ligne mais court, environ 30000 mots. C'est publié dans les années 30 (la première publication date de 1927 mais je dois avoir lu une version révisée car il parle à un moment d'un livre sorti en 1933). Je ne pense pas que ce soit, de nos jours où on a Internet, une bonne ressource pour l'histoire de la littérature d'horreur, sans même compter les oeuvres excellentes qui ont été produites dans le dernier siècle (même si cela peut donner quelques idées de lecture). Mais c'est un très bon document pour comprendre Lovecraft quand on s'intéresse à ses oeuvres.
Déjà parlons du point évident, le racisme de Lovecraft, totalement évident là-dedans. Il semble ne voir les noirs africains, les natifs américains et les arabes que comme des monstres d'histoires d'horreur, ça prend peu de place mais c'est choquant. Techniquement il est raciste envers tout le monde, mais pour plein de cas (les français, et de façon surprenante les juifs) c'est du racisme "soft" (voilà leurs traits de personnalité héréditaires, et voilà le genre d'oeuvres qui en découlent), c'est ridicule, mais moins révoltant.
En gros : Lovecraft s'intéresse à la littérature d'horreur, c'est-à-dire la littérature dont le but est de capturer la peur, en particulier la peur cosmique de l'inconnu. Il ne s'intéresse qu'à ça, c'est vraiment l'art pour l'art de la littérature d'horreur. Les talents d'écriture ou de psychologie ne doivent servir qu'à rendre la peur plus remarquable. N'importe quel message, ou mystère intellectuel, ou romance, est du superflu qu'il convient d'ignorer pour chercher ce qui l'intéresse. Quand je vous disais que cela explique des choses !
A noter qu'il a peur assez facilement, ce qui le rend très bon public. Il passe un certain temps à dire à quel point le scénario du Château d'Otrante est indigent, mais il peut citer de bons passages horrifiants ! Et aussi, sans cela, le genre gothique n'aurait pas existé !
J'oublie toujours que Lovecraft a une grande culture littéraire, y compris sur la poésie et la littérature générale. Le nombre d'oeuvres anglo-saxonne qu'il connaît est impressionnant. En français et en allemand, il connaît surtout les bases. Il néglige complètement la littérature du sud de l'Europe (pour être honnête, il n'est pas le seul à penser qu'elle n'est pas riche en fantastique, mais Becquer !), et, de façon plus surprenante, la littérature russe. Le seul mentionné est An-Sky, qui est dans la catégorie "littérature juive", pas russe. Mais par contre, du côté anglo-saxon, il a un grand nombre d'auteurs rares à citer. De façon plus surprenante, un grand nombre d'autrices. Pas seulement les évidentes comme Ann Radcliffe, Mary Shelley et Charlotte Perkins Gilman, mais aussi des femmes dont je n'ai jamais entendu parler. C'est un peu triste de penser qu'il réussit à être moins sexiste que les anthologistes modernes (il défend aussi vigoureusement Mary Shelley contre les insinuations classiques que Percy a écrit une grande part de Frankenstein)
Son analyse des différents courants est un peu superficielle. Celle des schémas et des styles de chaque auteur est plus pertinente, mais souvent, au lieu d'analyser, il devient tellement investi qu'il résume (et spoile !) ses histoires préférées.
Honnêtement, sans le racisme, ça serait très bien, ça donnerait l'impression de discuter histoires préférées avec un fan. Mais bien sûr, il est impossible d'en faire abstraction.
7/10


Progression : 9/52
"Risques de lecture" : Il neige dans la nuit et autres poèmes, Gulp, Tu vis ou tu meurs, Bain de lune, Alexis -> 5/26
Bingo-livres : 8/25
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