Lectures d'octobre
Oct. 31st, 2016 12:50 pm![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
"Lettres à Alan Turing", anthologie dirigée par Lévy-Leblond
Environ 250 pages, une liste de lettres adressées à Turing par des gens semi-célèbres. J'ai commencé avec un grand enthousiame, surtout que j'ai lu quelques bonnes anthologies du même compilateur, mais j'ai été vite déçue. Je m'attendais à quelque chose de vibrant d'émotion, devant des gens exprimant leur admiration, leur empathie, peut-être leur déception sur certains points, devant l'homme célèbre. Je m'attendais à un peu d'humour aussi. Je n'ai eu ni l'un ni l'autre. Est-ce un choix éditorial, ou un choix des auteurs ? J'ai trouvé presque toutes les marques d'admiration convenues et froides.
Heureusement, plus tard, quelques lettres sont venues modifier cette mauvaise idée que je m'étais fait, en particulier celle de Sylvie Lainé. J'ai aussi beaucoup apprécié les trois "lettres" qui sont en fait des oeuvres de fiction épistolaire. Mais globalement, la plupart des lettre sont assez égocentriques, avec les gens qui expliquent comment Turing a influencé leur oeuvre, et ce qu'ils en ont tiré, ce qu'ils ont fait avec. Certains de ses articles sont intéressants scientifiquement (de façon étonnante, c'est le cas de celle du directeur scientifique de L'Oréal, j'avais un mauvais a priori contre), ou philosophiquement. Mais la plupart consistent à expliquer leur vision de l'oeuvre de Turing (certains lui font la leçon et expliquent qu'il n'est pas allé assez loin ou qu'il a eu tort), leurs opinions en général (avec parfois des "je suis sûr que tu serais d'accord avec moi", explicites ou implicites, que j'ai trouvé de mauvais goût), et globalement... je ne sais pas ce que je voulais. Bien sûr, dans une lettre, on parle de soi. Bien sûr, on ne peut pas essayer de nouer une vraie connexion avec quelqu'un qui est mort, et on s'adresse effectivement au public. Mais j'ai l'impression que dans de trop nombreux cas, ce message adressé au public était surtout "regardez comme je suis brillant".
Aussi, la vision de l'homophobie qui se dégage de ce livre, comme quelque chose qui est dans le passé, ou quelque chose qui est exclusivement anglais, me fait me demander dans quel monde vivent ces gens, ou s'ils sont tous hétérosexuels. Dans ce cas, autant ne rien mentionner sur l'homosexualité de Turing, s'ils ne font pas l'effort de comprendre.
Enfin voilà. Une déception globale, même si vu l'hétérogénéité des textes et le grand intérêt de certains, je ne peux pas dire que je regrette d'avoir lu.
5/10
"The Engelsfors Trilogy 1 : The Circle", par Sara B. Elfgren et Mats Strandberg
Environ 600 pages, fantasy urbaine pour adolescents. L'histoire est assez standard : des lycéens développent des super-pouvoirs, apprennent qu'ils doivent les utiliser pour sauver le monde, en collaborant alors qu'ils ne sont pas amis du tout à la base.
C'est vraiment un livre centré sur les personnages et leur relation, et j'aime beaucoup comment c'est fait. D'abord, la plus grande partie des personnages sont des filles. Cela n'a pas de raison symbolique ou magique. Et il faut être honnête, un livre centré sur les relations entre femmes, sur un autre thème que être une femme ? Ca n'arrive pratiquement jamais. Ici toutes les relations compliquées qu'on peut avoir, devenir lentement ami, devoir collaborer avec quelqu'un qu'on déteste, découvrir les faiblesses de quelqu'un qu'on admire, un peu de romance même sont là, mais entre personnages féminins. Les évolutions sont lentes et crédibles. Et c'est cool.
Je trouve que ça rend bien aussi tout ce qui concerne l'opinion publique et le jugement d'autrui, dans le double milieu fermé que sont un lycée et une ville qui périclite. Les adolescents me semblent réalistes, que je les regarde en tant que prof ou en tant qu'ex-adolescente, abordant des sujets durs sans misérabilisme non plus, puisque ce n'est pas le sujet ! Le sujet est sauver le monde !
J'aime aussi le fait que les super-pouvoirs soient souvent presque opposés à leur personnalité, et la façon dont elles y réagissent !
Par contre, le scénario avance lentement. Il est dit clairement que même si les pouvoirs commencent à arriver, l'Apocalypse n'est pas pour tout de suite. Par contre, les envoyés des démons commencent à essayer de les éliminer en avance, avant qu'elles ne deviennent puissantes... et donc, le scénario est une enquête sur un meurtre, aux retournements de situation frappants et bien trouvés mais rares. Mais franchement, il fait accepter le scénario lent et centré sur les personnages, sinon on va être bien déçu. Personnellement j'ai beaucoup aimé !
8/10
"The Engelsfors Trilogy 2 : Fire", par Sara B. Elfgren et Mats Strandberg
Environ 700 pages, la suite du tome précédent. Oui, je l'ai lu tout de suite après, et d'ailleurs, j'ai déjà commencé le 3.
La structure est assez proche de celle du tome précédent : beaucoup d'étude de personnage, plus un scénario avec plus d'enquête et de mystère que d'action. J'ai aimé la résolution, encore une fois c'est un personnage que je n'avais pas du tout soupçonné, sans pourtant tomber dans l'écueil du "il n'est pas du tout ce qu'il semble"
Et on voit enfin les points de vue d'Ida et Linnéa, les deux membres du Cercle qu'on ne connaissait pour l'instant que de l'extérieur. J'adore Linnéa et je suis très satisfaite de ce qu'ils en ont fait, avec les faiblesses qu'elle cache si bien. Plus : bisexualité canon, yeah !
J'aime aussi qu'Ida soit exactement aussi mauvaise qu'elle en a l'air, sans qu'on nous demande de la plaindre pour son passé, et pourtant il explique, en fait un personnage intéressant, crédible, avec ses propres problèmes. Si son arc de rédemption s'arrêtait là, je le trouverais un peu court, mais la fin me laisse avec l'espoir que ce ne soit que le début pour elle.
J'ai aussi aimé les petits détails psychologiques et "pratiques" dans l'arc d'échange de corps.
Enfin voilà, j'aime beaucoup ! Je recommanderais encore plus vivement si on ne m'avait pas dit du mal de la traduction française.
9/10
Progression : 48/52
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