Fic - Doctor Who - Ten et Rose - 4/5
Sep. 2nd, 2009 12:47 am![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Non, je n'ai pas abandonné ! ^^;;
Titre : Une planète de retour (Partie 4/5)
Auteur :
flo_nelja
Fandom : Doctor Who
Persos : Ten et Rose (un peu de Ten/Rose, comme dans le canon, quoi), des OC locaux, et un méchant des vieilles séries que j'aime bien
Rating : PG
Résumé : Ten et Rose, pendant la saison 2 (et même, techniquement, quelque part entre le 2x07 et le 2x08), sur une planète qui ne devrait pas être habitée, ni même être là du tout.
Disclaimer : Ces personnages appartiennent à la BBC et à Russell T. Davies.
Avertissements : Spoilers sur "The Three Doctors" (arc 10x01) et "Arc of Infinity" (arc 20x01). Désolée pour les histoires de tutoiements/vouvoiements, je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Imaginez qu'ils parlent anglais. ^^
Résumé des épisodes précédents : Le Docteur et Rose arrivent sur une planète qui semble se remettre d'une glaciation, le tout grâce à un "dieu" mystérieux, alors qu'elle aurait dû être projetée loin dans l'espace dix ans auparavant. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus : une maladie qui brouille la perception du temps, et tue à long terme, touche les habitants. Rose, malgré une injection préventive d'une femme médecin nommée Lienn, est contaminée et montre des symptômes sévères. Alors que le Docteur vient de comprendre que la maladie en question suit sa propre ligne temporelle inversée, il se fait surprendre par Senia, prêtresse du dieu en question, lequel a très envie de rencontrer le Docteur. Ce dernier marchande avec elle pour qu'elle laisse partir Liosha (un ado insupportable, fils de Lienn, dont le petit ami est contaminé lui aussi) et Rose retrouver les lynx sauvages, qui pourraient, selon ses déductions, être à l'origine d'un remède. En échange, il suit Senia sans faire d'histoires. d'autant plus que, au vu de quelques détails impliquant de l'anti-matière et de la manipulation stellaire, il commence à avoir une petite idée de qui ce dieu est...
A la suite de Senia, entouré de ses deux gardes, le Docteur descendit quelques escaliers, avant d'arriver jusqu'à un sous-sol, un mur dans lequel s'encadrait une lourde porte de bois.
"Comment l'ouvrez vous ? Je suis curieux." demanda le Docteur - comme si cela avait été nécessaire de donner cette précision, par exemple si Senia avait décidé qu'il ne posait la question que pour la contrarier. D'accord, elle n'aurait peut-être pas été si loin de la réalité. "Une clé, un code ? Ou rien du tout, comme pour entrer dans la ville ? Non, il faudrait retenir les fidèles qui se presseraient en foule..."
"Taisez-vous !" Il n'y avait effectivement aucun système de sécurité ; mais maintenant, cette réalisation semblait la rendre nerveuse.
Elle alluma une lampe ; un garde en transportait une autre, éteinte. Trois tunnels partaient dans trois directions. La prêtresse hésita un instant.
"Senia." prononça une voix venant du tunnel de droite. "Docteur." La voix était reconnaissable.
"Vimir !" Senia sursauta, pivota vivement sur elle-même. "Que fais-tu ici ? Je l'ai trouvé moi-même. Tu as échoué."
Le premier prophète devint visible au détour d'un couloir. Sa femme l'accompagnait.
"Mais rien de vous empêche de venir tous les deux !" s'exclama le Docteur. "Je n'ai rien contre vous, Senia, mais il fait clairement un meilleur guide touristique que vous, j'ai testé ! Au fait, je vous dois peut-être des excuses. Après tout, vous m'avez toujours poignardé dans le dos... ou plutôt aiguillé... peu importe. Mais il s'agissait vraiment d'un remède, et au fait, Lienn, savez-vous que cette maladie est liée à une inversion de la ligne temporelle qui s'accompagne, bien sûr, d'une inversion de la causalité ? Il serait donc peut-être possible de chercher un vrai remède du côté des causes potentielles, mais bien sûr, je dis ça juste au cas où il devrait m'arriver quelque chose et où je ne pourrais pas m'en occuper moi-même..."
Son ton restait excessivement léger, c'est pourquoi ses interlocuteurs mirent quelque temps à réagir au sens de ses propos. Vimir écarquilla les yeux, Lienn poussa un petit cri.
"Cessez ces calomnies !" intima Senia.
"Calomnies ? Je n'ai médit de personne. Je veux dire, j'aurais certainement pu dire que c'est votre Dieu qui en est à l'origine, mais après tout, si j'ai bien compris, c'est la thèse que vous avez toujours défendue, donc vous devriez..."
L'un des gardes de Senia lui avait asséné un grand coup sur la tête. Il s'écroula, ayant à peine le temps de penser "Je me fais beaucoup assommer aujourd'hui..."
Vimir et Lienn n'eurent pas le temps de réagir, consternés.
"Je remplis mon rôle !" répondit Senia fièrement avant même qu'ils aient eu le temps de poser une question. Je le Lui ramène ! C'était le vôtre, mais vous avez échoué, Il s'en est rendu compte, et maintenant je le ferai ! Peu importe s'il faut transporter ce... Docteur, il se relèvera bien assez tôt, ne vous inquiétez pas. Et vous, accomplissez la seule chose qui vous reste à faire, à savoir lui faire cette maudite injection !"
Lienn semblait hésiter, ses mains tremblaient un peu alors qu'elles tripotaient la seringue de bois. Pourtant, elle répondit "Non." d'une voix étonnamment ferme.
"Comment..."
"Si ce qu'il dit est vrai, ce serait comme lui inoculer une maladie mortelle moi-même ! Je suis médecin !"
"Il racontait n'importe quoi !"
"Dans tous les cas, je ne peux pas donner un médicament, surtout non-testé, contre l'accord du malade ! Et toutes vos raisons n'y changeront rien."
"Ce ne sont pas mes raisons, elles viennent de plus haut que cela." proclama Senia. "Vimir, aidez-moi à raisonner votre femme ! Notre Seigneur vous l'a demandé !"
Des gouttes de sueur perlaient au front de Vimir. "Non. Il ne m'a pas demandé cela. Mais au contraire de veiller à ce qu'il ne soit pas exposé à la maladie. S'il pouvait avoir raison, cela change tout."
"Ne comprenez-vous pas," tonna Senia, perdant son calme, "qu'Il ne l'a demandé que pour que vous fassiez cette injection ? Il savait bien que vous étiez trop doux pour le faire en sachant..."
Vimir recula d'un pas, choqué. "Qui calomnie, qui blasphème, maintenant ? Senia, pensez-vous ce que vous dites ? Raisonnez-vous ! Et si tout ceci n'était qu'une épreuve qu'Il nous envoie pour tester notre coeur ? S'il y avait un autre moyen ? Examinez vos choix..."
"C'est déjà fait."
Les gardes étaient hautement compétents, et obéissaient à des signes subtils. Mais, contrairement au Docteur, Vimir et Lienn étaient formés aux coutumes de Cessar, et d'autre part, les gardes hésitèrent imperceptiblement avant de se lancer dans une action aussi choquante qu'attaquer le premier prophète, même pour Dame Senia.
C'est ce qui laissa à Vimir et Lienn le temps de s'enfuir.
"Prends-leur juste la seringue." expliqua Senia à celui de ses gardes qui leur courait après. "Pas de violence ; je ne pense pas que cela sera nécessaire."
Puis elle se tourna vers l'autre garde, qui surveillait le Docteur, toujours endormi pourtant, comme s'il pouvait faire quelque chose de dangereux d'un instant à l'autre. "Il faudra que tu le portes seul." soupira Senia. "J'espère qu'il vaudra vraiment les ennuis qu'il nous cause..."
Elle prit le chemin du milieu. La lampe éclairait de multiples branchements, qui retournaient à l'obscurité au fur et à mesure qu'elle avançait dans le labyrinthe sans hésiter un instant.
***
Le garde courait, rapidement, mais sans s'épuiser non plus. Après tout, le premier prophète et sa femme n'étaient plus si jeunes, n'avaient probablement jamais été vraiment sportifs, et ils ne pouvaient a priori sortir que par la porte située sous leur maison, qui était à une certaine distance.
Autant les rattraper plus tard, mais garder son souffle et ses réflexes pour gérer plus tard l'affrontement au mieux, sans violence excessive.
Alors qu'il arrivait enfin à leur hauteur, Lienn se retourna, brandissant sa seringue ; grâce aux précautions qu'il avait prises, le garde esquiva aisément.
"N'approchez pas !" s'exclama Lienn. "Sinon, je vous injecte cela ! Vous avez entendu ce que cela fait..."
"Je n'ai pas confiance dans cet étranger." expliqua le garde, essayant du mieux qu'il pouvait de prendre l'air bonhomme. Cette histoire n'avait pas besoin de mal finir, et lui n'avait franchement pas envie de se rendre coupable de violence sur le premier prophète et sa femme. A bien y réfléchir, il était même persuadé que, même sous les ordres de Senia, c'était illégal. Cela ne l'empêcherait pas de le faire, toutefois.
Lienn reculait lentement ; Vimir était toujours derrière elle.
"Donnez-moi cela," expliqua le garde, "et tout ira bien. Je suis désolé d'avoir à l'exiger, mais après tout, n'est-ce pas pour cela que vous l'avez amené ici ? Peut-être avez-vous changé d'avis trop rapidement..."
Soudain, la lumière que portait Vimir s'éteignit, les laissant dans une totale obscurité.
La première pensée du garde fut qu'il aurait dû allumer la sienne. Son premier geste fut pour se jeter violemment de côté pour esquiver une potentielle attaque à coups de seringue. Il pensait que l'étranger avait menti ; mais ce n'est pas pour cela qu'il fallait prendre des risques inutiles, n'est-ce pas ?
Il tâtonna pour retrouver sa lampe, l'alluma, se prépara à se défendre ou à courir pour les rattraper. Puis, il jura.
Les époux venaient de passer une grande porte, ressemblant à celle qui l'avait mené ici. Il voulut la pousser, la tirer, s'acharna ; mais apparemment, ils avaient réussi à la bloquer de l'intérieur, d'une façon ou d'une autre.
Que se passait-il ? Y avait-il d'autres portes, qui menaient à d'autres endroits, que les deux situées chez les prêtres ? Dans ce cas, y avait-il une autre issue, ou était-ce une sorte de placard, de stockage ? Dans le premier cas, il fallait qu'il se hâte de ressortir, pour essayer de les trouver - tout, plutôt que de retourner dire à Senia qu'il avait renoncé. Mais si c'était le second cas, il devait attendre ici...
Et puis, pourquoi ne pas, tout simplement, se rendre chez eux, et demander, poliment si c'était possible, autrement sinon, à prendre un de ces remèdes ? S'il se hâtait, ils ne seraient probablement même pas sortis, et tout pourrait se jouer avec une fenêtre brisée...
Il avait pris sa décision. Il rebroussa chemin, partit en courant à nouveau, dans la direction opposée.
Lienn et Vimir, de l'autre côté de la porte qu'ils avaient de justesse barrée d'une grosse planche, poussèrent un long soupir de soulagement, puis se sourirent.
Malgré la brièveté du trajet, ils étaient bien de retour chez eux ; c'est leur salon qui succéda à la cave et aux escaliers.
"Qu'allons-nous faire maintenant ?" demanda Lienn, encore tremblante.
"Je ne sais pas..." répondit Vimir. "Senia est devenue... il n'est pas possible qu'elle ait raison, n'est-ce pas ? Ou alors, Notre Seigneur nous cache encore des choses sur cet étranger... mais il avait l'air si sympathique."
"Je ne vois vraiment pas en quoi cette maladie pourrait être vue comme une bonne chose ! Quel que soit l'angle de vue !" s'exclama Lienn, comme si elle avait longuement cherché.
"Je regrette tellement, pour son amie..." continua Vimir. "Je voudrais savoir où elle est..."
Lienn répondit, pensive "En parlant de problèmes... je me demande où est Liosha."
***
Quatre silhouettes avançaient bravement en direction de la colline.
"Suivez-moi." déclara Liosha. C'était lui, après tout, l'initiateur de cette folle équipée (bon, OK, c'était peut-être le Docteur), en tout cas le seul à pouvoir en comprendre le but. Et celui qui avançait le plus bravement, d'ailleurs ! Il doutait que les autres puissent même comprendre le concept de danger.
En pratique, quand Vani, Dash et Rose changeaient de direction, inexplicablement mais d'un commun accord, c'était lui qui marchait derrière eux. Il ne savait pas si c'était une intuition de leur part de Kayons explosifs, ou de l'endroit où on pouvait trouver ces créatures étranges, mais dans tous les cas, ils ne devaient pas avoir tort.
Il leur avait demandé s'ils connaissaient ces animaux, les décrivant aussi bien qu'il pouvait avec les maigres indications que lui avait fournies le Docteur. Vani avait eu un grand sourire, et avait déclaré que oui, il voyait.
Liosha, qui comprenait le mode de pensée de son petit ami bien mieux que pouvait le faire toute théorie scientifique, savait bien qu'un souvenir ne pouvait être que proche, ou marquant. Il espérait très fort que c'était un souvenir du futur. Après tout, s'il en avait rencontré un dans le passé, même s'il comprenait que cela puisse avoir un aspect traumatisant, il n'y avait pas de raison que ce soit un souvenir si heureux, n'est-ce pas ? Ou alors, c'était juste de pouvoir lui répondre positivement ? Oh, il réfléchissait trop...
Il serra dans sa main gauche le filet lesté qu'il avait emporté ; cela lui semblait la meilleure méthode pour capturer une créature dont la peau risquait d'être aussi dure que la pierre, n'est-ce pas ? Dans l'autre main, il tenait un long et solide épieu, qui ne blesserait certainement personne, mais pourrait les tenir à distance, et avait entre temps le gros avantage sur le filet de pouvoir aider à la marche, au lieu d'être juste un poids mort.
Il avait fourni à ses trois compagnons les mêmes armes, même s'il ne savait pas très bien comment ils s'en serviraient.
"Je ne l'ai jamais fait." dit-il d'un ton désinvolte, sans parler spécialement à quelqu'un. "Mais j'ai entendu des histoires, de guerriers, de chasseurs, qui maîtrisaient des créatures beaucoup plus grosses que ça, et je trouvais déjà ça super-cool ! Ha ha ! C'est mon tour, aujourd'hui !"
Il fallait bien que les histoires soient suffisantes !
Et justement, quel était ce mouvement qu'il venait de percevoir à l'horizon ? Les villageois ne venaient jamais là, à ce qu'il savait... Il demanda à ses compagnons de rester en arrière. Il s'avança, le coeur battant.
"Eh, elle arrive dans cette direction ! Bonne nouvelle !" s'exclama-t-il, même si une voix dans sa tête était en train de lui souffler "pour la plus grande partie".
Il s'attendait à une victoire glorieuse, ou, au moins, à une défaite héroïque.
Il ne pensait pas que la créature l'éviterait aisément, sans lui accorder la moindre attention, la peste, et se dirigerait vers le groupe qu'il avait laissé derrière des roches, immobile, invisible.
"He !" s'exclama-t-il, paniqué, essayant d'abord de détourner la bête sur lui - c'était peine perdue - puis de la rattraper. Il n'avait pas voulu les exposer ! Ils n'étaient là que parce qu'il répugnait à laisser Rose toute seule quand, visiblement, leur Dieu si contrariant lui voulait du mal. Et parce qu'il voulait que Vani puisse guérir aussi, même s'il se trouvait qu'il était impossible de ramener la créature. Et pour avoir de l'aide pour repérer les pierres explosives. Et, peut-être un peu, pour la compagnie.
Mais pas pour les mettre en danger, de toute façon !
Oh, il ne réfléchissait pas assez.
Il courait de toutes ses jambes, mais ne rattrapait son avance que trop lentement, la créature changeant sans cesse de direction, au cours de mouvements qui pouvaient sembler aléatoires, mais qui faisaient perdre sans cesse son élan à Liosha.
Quand il lui sembla que la créature allait se jeter sur Vani, dans un dernier effort, il lança son filet, de toutes ses forces, et autant qu'il le pouvait dans la bonne direction.
Et il avait bien visé... sauf que dans sa course erratique, la créature s'était désintéressée de Vani. Le filet tomba juste à l'endroit où elle aurait dû se trouver, et maintenant, elle se dirigeait tout droit vers Dash.
La jeune fille n'eut pas un cri. Mais Liosha cria pour elle, sans cesser de courir pour autant, brandissant son épieu improvisé, comme fou.
***
Quand le Docteur était enfant, on lui avait raconté l'histoire de Rassilon et Omega, qui avaient donné à Gallifrey l'énergie qui permettait les voyages temporels. Rassilon, le théoricien, était devenu Président, et bien plus encore. Omega aurait du recevoir les mêmes honneurs, bien sûr, mais contrairement à Rassilon c'était un ingénieur stellaire, un homme de pratique. C'est lui qui avait soumis l'énergie d'une étoile. Mais il avait été pris dans la supernova résultante, et n'avait pas survécu, mort en héros pour que Gallifrey puisse prospérer, pour que ses habitants puissent devenir les Seigneurs du Temps.
Et maintenant, évanoui, il revivait ces scènes, comme un rêve, ou un cauchemar, son esprit se débattant un instant pour se rappeler que ce n'était qu'une illusion, puis luttant à nouveau pour ne pas se le rappeler, oublier un instant ce qui était arrivé à Gallifrey.
Plus tard, alors qu'il grandissait et se rebellait contre certains des aspects de sa culture, il avait pu douter de certaines choses, et même de la sagesse de Rassilon - mais pas d'Omega. Il était mort, après tout, sans profiter en rien de ce qu'il avait créé. Il semblait plus difficile de douter de lui.
Sauf que...
Il n'était pas mort, et le Docteur l'avait revu. Quatre fois. Ou deux, selon comment on devait définir "fois" dans un univers où il était possible, quoique déconseillé, de croiser sa propre ligne temporelle.
L'ingénieur stellaire avait happé les Docteurs de l'autre côté du monde, dans l'univers fait d'anti-matière où l'explosion l'avait projeté. La force de sa volonté, canalisant l'énergie fournie par le trou noir, lui avait permis de survivre, et même de créer lentement des messagers pour le monde de matière. Ironiquement, il ne pouvait pas s'y rendre, malgré ces moyens de transport. S'il s'éloignait de sa source d'énergie, toute cette protection contre l'annihilation qu'il avait réussi à construire, cette bulle de résistance dans ce monde d'anti-matière, serait détruite instantanément.
Et le Docteur aurait bien voulu l'aider, un des héros de sa jeunesse, condamné à des millénaires d'une terrible solitude, mais...
Non, ce n'était pas comme ça que cela s'était passé, se rappela-t-il, dans un sursaut de lucidité. Il n'avait pas voulu l'aider. Omega était fou. Mégalomane, paranoïaque... il était persuadé que les Seigneurs du Temps savaient qu'il était là, qu'ils avaient saboté sa mission, qu'ils l'avaient isolé volontairement. Il ne voulait pas rentrer pour échapper à cette terrible solitude, à cette tension mentale qu'il ne pouvait pas relacher une seconde. Il avait voulu régner, se venger, écraser. Il avait voulu forcer le Docteur à maintenir la réalité en place, pour lui laisser le temps de partir. Il avait voulu lui infliger son lot, la solitude éternelle.
Non, se rappela le Docteur, pas la même solitude. Omega avait amené là ses compagnons aussi. C'était le Docteur lui-même qui avait réclamé qu'eux, au moins, puissent retrouver leur univers.
De toute façon, même si Omega avait été le noble héros qu'il avait imaginé, même s'il ne lui avait pas prouvé qu'il pouvait encore, à son âge, éprouver des déceptions, même si son retour n'avait pas été synonyme de destruction, même si le Docteur avait voulu prendre sa place, il n'aurait pas pu. Depuis longtemps, le corps d'Omega avait été détruit par les particules d'antimatière qu'il ne pouvait toutes contrôler. Il n'était plus qu'un esprit, alimenté par une source d'énergie, animant une armure complexe... Plus aucune chair. Rien qu'une volonté incroyable qui ne continuait à exister que grâce à sa propre force.
Le Docteur l'avait trompé, n'avait réussi à sauver sa propre vie qu'en lui mentant éhontément. Ce n'est pas comme s'il y avait eu une autre solution, de toute façon... Il l'avait dit. La mort était la seule liberté qu'il pouvait lui offrir, et cette existence prolongée l'avait déjà rendu fou...
Omega n'avait pas disparu, pourtant. Privé désormais, non seulement de corps, mais de toute illusion d'en avoir un, il avait voulu prendre celui du Docteur. Il avait, pour cela, convaincu un Chancelier Gallifreyen de l'aider ; de façon cruelle, un de ceux dont le Docteur connaissait la bonté et l'honnêteté. Qui n'aurait pas porté assistance au héros des Seigneurs du Temps ?
Là encore, il avait fallu l'arrêter. Parce que la copie était imparfaite. Parce qu'elle pouvait provoquer une explosion atomique qui aurait détruit la Terre. Omega ne pouvait pas vivre dans cet univers. Il fallait le détruire, ou essayer. Et cela importait-il, si après seulement quelques heures à vivre sur terre, il semblait avoir déjà à moitié renoncé à ses ambitions de vengeance cruelle, submergé par la joie de vivre à nouveau ? S'il avait choisi de garder en vie tous les compagnons du Docteur, alors qu'il aurait pu...
Cela importait-il, s'il était tout à fait possible de croire que ce corps n'avait été imparfait que parce que le Docteur avait inconsciemment résisté pendant cette intrusion dans ses données biométriques ?
Avait-il seulement mérité de gagner, dans ces aventures ?
C'était pour sauver des vies. Mais Omega avait-il mérité de perdre ? Ne lui devait-il pas quelque chose ?
Et qu'étaient devenus ces idéaux de protection de la vie, quand il avait dû détruire Gallifrey ?
Le Docteur, revoyant en tourbillon ces images de son passé, se sentit plongé dans un désespoir profond, un sentiment d'avoir passé sa vie à faire des erreurs...
Pourtant, c'est comme s'il y avait, tout près de lui, cette bouée de secours, qu'il ne pouvait pas saisir, juste parce qu'il ne regardait pas dans la bonne direction. Son esprit se débattit follement... ah oui...
"Cesse de m'influencer." prononça-t-il mentalement. "Ce n'était pas comme ça. Pas vraiment. Je n'ai rien regretté. Du moins... pas de t'affronter."
"Tu aurais dû." répondit la voix solennelle. "Mais sais-tu ? Je n'ai pas eu le temps ni la possibilité de modifier grand chose. La plupart de ces regrets sont les tiens, et tu sais ce qui est vraiment arrivé."
Puis le tourbillon de souvenirs, comme les voix, cessèrent.
"Il se réveille." annonça Senia.
"Tant mieux." dit le garde, qui semblait épuisé. Ce n'est pas qu'il est lourd, mais..."
Le Docteur se sentit posé à terre, avec une douceur limitée, ce qui acheva de lui faire retrouver ses esprits.
"Relève-toi !" grogna le garde.
Il ouvrit les yeux, puis les referma, ébloui.
Le décor n'avait plus rien à voir avec ces couloirs sombres dans lesquels ils avaient avancé un instant. C'était toujours un labyrinthe, mais il semblait maintenant au Docteur qu'il s'étendait dans la troisième dimension, et peut-être la quatrième ; et non, ce n'était pas juste parce qu'il n'avait pas fini de se relever.
"Si vous voulez fuir, vous ne retrouverez jamais votre chemin." dit Senia d'un air satisfait.
"En êtes-vous sûre ? J'étais très bon à ce genre de petits jeux quand j'étais... houla, cela ne me rajeunit pas." Il sourit à Senia. "Mais je n'irais pas pour autant vous priver de ma compagnie. Vous pourriez mourir d'ennui, sinon."
***
Il y avait une créature sur la poitrine de Dash, qu'elle ne connaissait pas avant, ou presque pas. Ses griffes lui faisaient mal.
Si cela continuait ainsi, elle allait mourir, réalisa-t-elle, et cette pensée, quoique évidente, la frappa comme profondément étrange.
Mais l'animal préféra, après elle, sauter sur la jeune fille qui les accompagnait... qui était...
En tout cas, Dash ne pouvait pas laisser faire cela !
Elle saignait, et la tête lui tournait. Mais elle se releva. Elle courut vers la créature. Elle la frappa de toutes ses forces de son épieu, encore et encore, sans réussir à lui faire la moindre blessure.
Mais la créature laissa Rose tranquille - Rose, elle se rappelait - et se retourna vers Dash, qui lança son filet.
Exactement en face d'elle, elle ne pouvait pas échouer ! Pourtant, un bref mouvement de côté, et la bête avait deux pattes à l'extérieur du filet, dont elle se servir pour se dégager, apparemment avec peu d'efforts.
C'est alors que Rose lança le sien.
Cette fois, l'animal déjà à demi immobilisé ne pouvait plus se dégager, et resta prisonnier sous les deux filets empilés.
"Vous avez réussi !" s'exclama Liosha qui finissait d'accourir vers elles. "C'est magnifique ! He, Dash, tu es... ça va aller ?"
"Pas grâce à toi..." répondit la jeune fille, avec un sourire en coin. Elle s'assit, pour se reposer, et, ouvrant sa gourde, essaya de nettoyer les plaies. Elle eut une grimace.
"Wow." s'exclama Liosha. "Wow. Tu..."
"Je suis guérie, oui."
Il examina ses yeux qui avaient retrouvé leur teinte normale. "Qu'est-ce que ça fait ? Qu'est-ce que ça faisait, pendant ce temps ?"
"C'est... difficile à dire. Je me rappelle à peu près les événements de ces moments, mais c'est si flou, comme le souvenir d'un souvenir..."
"Et toi ?" demanda Liosha à Rose. "Peut-être qu'il faut encore quelques coups de griffes..."
"Non merci !" s'exclama Rose. Son esprit, à elle aussi, commençait à revenir en place. Les dernières heures lui apparaissaient comme un brouillard, et elle n'arrivait toujours pas à croire que sa première action avec un but avait été d'attraper un lynx au filet de pêche.
Il y avait quelque chose dont elle était sûre, cependant.
"Il faut aller chercher le Docteur !" s'exclama-t-elle. "Je ne me rappelle plus bien, quel est ce "dieu" auquel il va être amené ! En tout cas, il va se retrouver en danger, comme toujours..."
"He, je veux bien ! Ca me ferait même plaisir de jouer un rôle un peu plus héroïque, parce que pour l'instant, j'ai été lésé ! Mais Vani d'abord. Faites-lui toucher la bête ! Après tout, il n'y a pas de raison pour que..."
"Non." dit Dash d'un ton sec.
"Quoi ?" demanda Liosha, lui présentant l'archétype de l'air ahuri.
"Pas tout de suite. Nous devons rentrer."
"He bien, on rentrera après !"
"Comment ? Il est le seul à pouvoir nous protéger encore des explosions sur le chemin du retour ! Elles pourraient nous tuer."
Liosha ouvrit la bouche, la referma, l'ouvrit à nouveau. "C'est... c'est de l'exploitation !" accusa-t-il. "Exactement comme ils font avec vous - comme is faisaient avec vous - enfin, comme ils font toujours, mais tu vois. Dash, c'est mon petit ami !"
"Et c'est mon frère !" Elle se baissa, entreprit de nouer ensemble les filets pour que le lynx, qui maintenant geignait, plaqué à terre, puisse être transporté par deux personnes ensemble. "Ce n'est pas pour ça que je veux qu'on meure ensemble ici !"
"Je vous déteste !" s'exclama Liosha, supposant que Rose était contre lui par défaut, pour raison de solidarité féminine, ou quelque chose. Il retourna vers Vani, souriant. "Ecoute, c'est bientôt fini. On prend la direction de la maison, et puis hop ! tout ira bien. Et ensuite, il faut que je te présente le Docteur..."
"Oh, je le connais !"
"OK, je suis vexé." dit-il avec un sourire qui démentait ses paroles. "Allez, avec nous !"
Rose se fit raconter par Liosha tout ce qui était arrivé pendant qu'elle était malade, et surtout dans quel ordre ; il était bien difficile pour elle de remettre les morceaux en place.
"En premier," s'exclama Dash, qui, avec Liosha, avait insisté pour traîner le filet, "nous amenons cela au village, et nous soignons tout le monde !"
Rose ne protesta pas, mais elle renchérit. "Et ensuite, il faudra l'amener jusqu'à chez Senia. Sa fille, Ludi, est malade, et c'est le chemin que le Docteur a pris."
"Tu ne pourras jamais arriver jusqu'à chez Notre Seigneur sans être guidée !" s'exclama Liosha. "C'est un terrible labyrinthe."
"He bien, j'essaierai !" s'exclama-t-elle. "J'ai déjà vu des labyrinthes !"
"Pas comme celui-là, et... eh, Vani, ça va !"
Il avait fait des efforts pour marcher, mais semblait maintenant proche de s'évanouir, complètement épuisé.
"Est-ce que tu veux boire ? Ou te reposer ? Ou... je le savais ! C'est ce qui arrive quand on laisse les malades seuls ! Ne le laissez pas mourir, enfin !"
"Je suis déjà restée seule pendant plus longtemps..." dit Dash, mais sa voix était hésitante.
"Peut-être qu'il était déjà plus gravement atteint ? Ou peut-être que c'est une question de... truc de causalité, parce qu'on a guéri et pas lui ? Le Docteur expliquerait ça mieux que moi. En tout cas, je suis avec Liosha !" s'exclama Rose.
Dash semblait désemparée. "Evidemment. De toute façon, s'il tombe de faiblesse, ce n'est pas comme s'il pouvait nous guider chez nous de toute façon..." Elle soupira. "Je ne sais pas combien de chances il nous reste, maintenant."
Une sur cinq, avait dit le Docteur, mais ils étaient plus éloignés de la ville, à ce moment ? Il fallait compter sur leur chance, pensa Rose, alors que Liosha enjoignait Vani de balancer quelques énergiques coups de pieds au lynx, pour compenser les autres fois où c'était lui qui leur avait sauté dessus.
"Alors ?" demanda Liosha. "Comment ça va ?"
"Wow." répondit Vani, se frottant le front. Puis, se jetant dans les bras de Liosha "Wow."
"Il faut quand même que je te dise," commença Liosha d'un ton qu'il essayait de rendre décontracté, "que je ne suis pas sûr qu'on puisse rentrer chez nous. Mais j'espère que ça en valait la peine..."
"Mais si, on peut !" s'exclama Vani.
"Comment ça ?"
Il plissa les yeux. "Je me rappelle que je savais." Puis désigna Rose. "Grâce à elle."
"Moi ? Hein ?" Rose sembla embarrassée. "Il doit y avoir une erreur, vous pouvez même mieux vous rappeler les chemins que moi, puisque la dernière fois que je suis venue là, on avait le tournevis du Docteur pour les empêcher d'exploser, et..." Joignant le geste à la parole, elle désigna sa poche...
"Oh." Puis, émerveillée. "Alors il me l'a laissé... je ne me rappelais plus." Puis, soudain presque vexée, la compréhension arrivant peu à peu "Alors, je l'avais tout le temps, je ne craignais rien !"
"Que se passe-t-il ?" demanda Dash.
"Il se passe que nous n'avons plus rien à craindre !" s'exclama Rose avec un grand sourire, brandissant le tournevis sonique. "Tous au village !"
***
Quand le Docteur passa la porte qui fermait le labyrinthe, il fut frappé par la taille de la pièce, qui constrastait avec tout ce qu'il avait vu de la ville, avait de se rappeler qu'Omega était un mégalomane, après tout.
Oh, et aussi, que même quand on pouvait distordre l'espace comme certains aspects de ce labyrinthe tendaient à le prouver, qu'il fallait un peu d'espace pour installer un champ de confinement d'anti-matière.
Omega semblait flotter au milieu de la boule de vide ; il portait toujours un masque, pas tout à fait le même que les dernières fois.
"Pars, maintenant." dit une voix dans la tête de Senia.
"Dois-je vous laisser ?" demanda-t-elle, comme inquiète.
"Il est temps d'aller chercher ta fille."
Elle réprima à grand peine un sourire de joie, et sortit avec une révérence.
"Docteur." commença Omega, solennellement, quand elle fut partie. La voix résonnait maintenant dans la pièce ; le Docteur put repérer les mécanismes impliqués. "C'était toi. Quelle coïncidence."
"Omega." commença-t-il. "Vous ne le croirez peut-être pas, mais je suis content de vous savoir en vie."
"Comment oses-tu !" tonna la voix. "Comment, après avoir détruit ma planète ?"
La honte que le Docteur retenait le fit soudain trembler, l'écrasa. Il n'avait rien à répondre à cela.
"Notre planète..." répondit-il d'une voix faible. "Elle me manque aussi."
"Ma planète !" asséna Omega d'un ton sans réplique. "J'en ai fait ce qu'elle est, quand tu y es juste né, comment oses-tu comparer ? Que pouvais-tu espérer de moi, sachant que j'étais dans un autre univers pendant la Guerre du Temps ? Que je te tuerais en rétribution ? Je ne vois pas ce que tu peux attendre d'autre de moi !"
Effectivement, le Docteur aurait été incapable de dire à quoi il s'attendait, dans son envie brûlante de revoir ne serait-ce qu'un des siens.
"Mais peut-être auras-tu l'occasion de te racheter un tout petit peu, si la chance est de notre côté. Docteur, je ne devrais même pas demander, car l'un des deux choix te couvrirait de honte : donnerais-tu ta vie pour que renaisse Gallifrey ?"
Titre : Une planète de retour (Partie 4/5)
Auteur :
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Fandom : Doctor Who
Persos : Ten et Rose (un peu de Ten/Rose, comme dans le canon, quoi), des OC locaux, et un méchant des vieilles séries que j'aime bien
Rating : PG
Résumé : Ten et Rose, pendant la saison 2 (et même, techniquement, quelque part entre le 2x07 et le 2x08), sur une planète qui ne devrait pas être habitée, ni même être là du tout.
Disclaimer : Ces personnages appartiennent à la BBC et à Russell T. Davies.
Avertissements : Spoilers sur "The Three Doctors" (arc 10x01) et "Arc of Infinity" (arc 20x01). Désolée pour les histoires de tutoiements/vouvoiements, je n'ai rien trouvé de satisfaisant. Imaginez qu'ils parlent anglais. ^^
Résumé des épisodes précédents : Le Docteur et Rose arrivent sur une planète qui semble se remettre d'une glaciation, le tout grâce à un "dieu" mystérieux, alors qu'elle aurait dû être projetée loin dans l'espace dix ans auparavant. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus : une maladie qui brouille la perception du temps, et tue à long terme, touche les habitants. Rose, malgré une injection préventive d'une femme médecin nommée Lienn, est contaminée et montre des symptômes sévères. Alors que le Docteur vient de comprendre que la maladie en question suit sa propre ligne temporelle inversée, il se fait surprendre par Senia, prêtresse du dieu en question, lequel a très envie de rencontrer le Docteur. Ce dernier marchande avec elle pour qu'elle laisse partir Liosha (un ado insupportable, fils de Lienn, dont le petit ami est contaminé lui aussi) et Rose retrouver les lynx sauvages, qui pourraient, selon ses déductions, être à l'origine d'un remède. En échange, il suit Senia sans faire d'histoires. d'autant plus que, au vu de quelques détails impliquant de l'anti-matière et de la manipulation stellaire, il commence à avoir une petite idée de qui ce dieu est...
A la suite de Senia, entouré de ses deux gardes, le Docteur descendit quelques escaliers, avant d'arriver jusqu'à un sous-sol, un mur dans lequel s'encadrait une lourde porte de bois.
"Comment l'ouvrez vous ? Je suis curieux." demanda le Docteur - comme si cela avait été nécessaire de donner cette précision, par exemple si Senia avait décidé qu'il ne posait la question que pour la contrarier. D'accord, elle n'aurait peut-être pas été si loin de la réalité. "Une clé, un code ? Ou rien du tout, comme pour entrer dans la ville ? Non, il faudrait retenir les fidèles qui se presseraient en foule..."
"Taisez-vous !" Il n'y avait effectivement aucun système de sécurité ; mais maintenant, cette réalisation semblait la rendre nerveuse.
Elle alluma une lampe ; un garde en transportait une autre, éteinte. Trois tunnels partaient dans trois directions. La prêtresse hésita un instant.
"Senia." prononça une voix venant du tunnel de droite. "Docteur." La voix était reconnaissable.
"Vimir !" Senia sursauta, pivota vivement sur elle-même. "Que fais-tu ici ? Je l'ai trouvé moi-même. Tu as échoué."
Le premier prophète devint visible au détour d'un couloir. Sa femme l'accompagnait.
"Mais rien de vous empêche de venir tous les deux !" s'exclama le Docteur. "Je n'ai rien contre vous, Senia, mais il fait clairement un meilleur guide touristique que vous, j'ai testé ! Au fait, je vous dois peut-être des excuses. Après tout, vous m'avez toujours poignardé dans le dos... ou plutôt aiguillé... peu importe. Mais il s'agissait vraiment d'un remède, et au fait, Lienn, savez-vous que cette maladie est liée à une inversion de la ligne temporelle qui s'accompagne, bien sûr, d'une inversion de la causalité ? Il serait donc peut-être possible de chercher un vrai remède du côté des causes potentielles, mais bien sûr, je dis ça juste au cas où il devrait m'arriver quelque chose et où je ne pourrais pas m'en occuper moi-même..."
Son ton restait excessivement léger, c'est pourquoi ses interlocuteurs mirent quelque temps à réagir au sens de ses propos. Vimir écarquilla les yeux, Lienn poussa un petit cri.
"Cessez ces calomnies !" intima Senia.
"Calomnies ? Je n'ai médit de personne. Je veux dire, j'aurais certainement pu dire que c'est votre Dieu qui en est à l'origine, mais après tout, si j'ai bien compris, c'est la thèse que vous avez toujours défendue, donc vous devriez..."
L'un des gardes de Senia lui avait asséné un grand coup sur la tête. Il s'écroula, ayant à peine le temps de penser "Je me fais beaucoup assommer aujourd'hui..."
Vimir et Lienn n'eurent pas le temps de réagir, consternés.
"Je remplis mon rôle !" répondit Senia fièrement avant même qu'ils aient eu le temps de poser une question. Je le Lui ramène ! C'était le vôtre, mais vous avez échoué, Il s'en est rendu compte, et maintenant je le ferai ! Peu importe s'il faut transporter ce... Docteur, il se relèvera bien assez tôt, ne vous inquiétez pas. Et vous, accomplissez la seule chose qui vous reste à faire, à savoir lui faire cette maudite injection !"
Lienn semblait hésiter, ses mains tremblaient un peu alors qu'elles tripotaient la seringue de bois. Pourtant, elle répondit "Non." d'une voix étonnamment ferme.
"Comment..."
"Si ce qu'il dit est vrai, ce serait comme lui inoculer une maladie mortelle moi-même ! Je suis médecin !"
"Il racontait n'importe quoi !"
"Dans tous les cas, je ne peux pas donner un médicament, surtout non-testé, contre l'accord du malade ! Et toutes vos raisons n'y changeront rien."
"Ce ne sont pas mes raisons, elles viennent de plus haut que cela." proclama Senia. "Vimir, aidez-moi à raisonner votre femme ! Notre Seigneur vous l'a demandé !"
Des gouttes de sueur perlaient au front de Vimir. "Non. Il ne m'a pas demandé cela. Mais au contraire de veiller à ce qu'il ne soit pas exposé à la maladie. S'il pouvait avoir raison, cela change tout."
"Ne comprenez-vous pas," tonna Senia, perdant son calme, "qu'Il ne l'a demandé que pour que vous fassiez cette injection ? Il savait bien que vous étiez trop doux pour le faire en sachant..."
Vimir recula d'un pas, choqué. "Qui calomnie, qui blasphème, maintenant ? Senia, pensez-vous ce que vous dites ? Raisonnez-vous ! Et si tout ceci n'était qu'une épreuve qu'Il nous envoie pour tester notre coeur ? S'il y avait un autre moyen ? Examinez vos choix..."
"C'est déjà fait."
Les gardes étaient hautement compétents, et obéissaient à des signes subtils. Mais, contrairement au Docteur, Vimir et Lienn étaient formés aux coutumes de Cessar, et d'autre part, les gardes hésitèrent imperceptiblement avant de se lancer dans une action aussi choquante qu'attaquer le premier prophète, même pour Dame Senia.
C'est ce qui laissa à Vimir et Lienn le temps de s'enfuir.
"Prends-leur juste la seringue." expliqua Senia à celui de ses gardes qui leur courait après. "Pas de violence ; je ne pense pas que cela sera nécessaire."
Puis elle se tourna vers l'autre garde, qui surveillait le Docteur, toujours endormi pourtant, comme s'il pouvait faire quelque chose de dangereux d'un instant à l'autre. "Il faudra que tu le portes seul." soupira Senia. "J'espère qu'il vaudra vraiment les ennuis qu'il nous cause..."
Elle prit le chemin du milieu. La lampe éclairait de multiples branchements, qui retournaient à l'obscurité au fur et à mesure qu'elle avançait dans le labyrinthe sans hésiter un instant.
Le garde courait, rapidement, mais sans s'épuiser non plus. Après tout, le premier prophète et sa femme n'étaient plus si jeunes, n'avaient probablement jamais été vraiment sportifs, et ils ne pouvaient a priori sortir que par la porte située sous leur maison, qui était à une certaine distance.
Autant les rattraper plus tard, mais garder son souffle et ses réflexes pour gérer plus tard l'affrontement au mieux, sans violence excessive.
Alors qu'il arrivait enfin à leur hauteur, Lienn se retourna, brandissant sa seringue ; grâce aux précautions qu'il avait prises, le garde esquiva aisément.
"N'approchez pas !" s'exclama Lienn. "Sinon, je vous injecte cela ! Vous avez entendu ce que cela fait..."
"Je n'ai pas confiance dans cet étranger." expliqua le garde, essayant du mieux qu'il pouvait de prendre l'air bonhomme. Cette histoire n'avait pas besoin de mal finir, et lui n'avait franchement pas envie de se rendre coupable de violence sur le premier prophète et sa femme. A bien y réfléchir, il était même persuadé que, même sous les ordres de Senia, c'était illégal. Cela ne l'empêcherait pas de le faire, toutefois.
Lienn reculait lentement ; Vimir était toujours derrière elle.
"Donnez-moi cela," expliqua le garde, "et tout ira bien. Je suis désolé d'avoir à l'exiger, mais après tout, n'est-ce pas pour cela que vous l'avez amené ici ? Peut-être avez-vous changé d'avis trop rapidement..."
Soudain, la lumière que portait Vimir s'éteignit, les laissant dans une totale obscurité.
La première pensée du garde fut qu'il aurait dû allumer la sienne. Son premier geste fut pour se jeter violemment de côté pour esquiver une potentielle attaque à coups de seringue. Il pensait que l'étranger avait menti ; mais ce n'est pas pour cela qu'il fallait prendre des risques inutiles, n'est-ce pas ?
Il tâtonna pour retrouver sa lampe, l'alluma, se prépara à se défendre ou à courir pour les rattraper. Puis, il jura.
Les époux venaient de passer une grande porte, ressemblant à celle qui l'avait mené ici. Il voulut la pousser, la tirer, s'acharna ; mais apparemment, ils avaient réussi à la bloquer de l'intérieur, d'une façon ou d'une autre.
Que se passait-il ? Y avait-il d'autres portes, qui menaient à d'autres endroits, que les deux situées chez les prêtres ? Dans ce cas, y avait-il une autre issue, ou était-ce une sorte de placard, de stockage ? Dans le premier cas, il fallait qu'il se hâte de ressortir, pour essayer de les trouver - tout, plutôt que de retourner dire à Senia qu'il avait renoncé. Mais si c'était le second cas, il devait attendre ici...
Et puis, pourquoi ne pas, tout simplement, se rendre chez eux, et demander, poliment si c'était possible, autrement sinon, à prendre un de ces remèdes ? S'il se hâtait, ils ne seraient probablement même pas sortis, et tout pourrait se jouer avec une fenêtre brisée...
Il avait pris sa décision. Il rebroussa chemin, partit en courant à nouveau, dans la direction opposée.
Lienn et Vimir, de l'autre côté de la porte qu'ils avaient de justesse barrée d'une grosse planche, poussèrent un long soupir de soulagement, puis se sourirent.
Malgré la brièveté du trajet, ils étaient bien de retour chez eux ; c'est leur salon qui succéda à la cave et aux escaliers.
"Qu'allons-nous faire maintenant ?" demanda Lienn, encore tremblante.
"Je ne sais pas..." répondit Vimir. "Senia est devenue... il n'est pas possible qu'elle ait raison, n'est-ce pas ? Ou alors, Notre Seigneur nous cache encore des choses sur cet étranger... mais il avait l'air si sympathique."
"Je ne vois vraiment pas en quoi cette maladie pourrait être vue comme une bonne chose ! Quel que soit l'angle de vue !" s'exclama Lienn, comme si elle avait longuement cherché.
"Je regrette tellement, pour son amie..." continua Vimir. "Je voudrais savoir où elle est..."
Lienn répondit, pensive "En parlant de problèmes... je me demande où est Liosha."
Quatre silhouettes avançaient bravement en direction de la colline.
"Suivez-moi." déclara Liosha. C'était lui, après tout, l'initiateur de cette folle équipée (bon, OK, c'était peut-être le Docteur), en tout cas le seul à pouvoir en comprendre le but. Et celui qui avançait le plus bravement, d'ailleurs ! Il doutait que les autres puissent même comprendre le concept de danger.
En pratique, quand Vani, Dash et Rose changeaient de direction, inexplicablement mais d'un commun accord, c'était lui qui marchait derrière eux. Il ne savait pas si c'était une intuition de leur part de Kayons explosifs, ou de l'endroit où on pouvait trouver ces créatures étranges, mais dans tous les cas, ils ne devaient pas avoir tort.
Il leur avait demandé s'ils connaissaient ces animaux, les décrivant aussi bien qu'il pouvait avec les maigres indications que lui avait fournies le Docteur. Vani avait eu un grand sourire, et avait déclaré que oui, il voyait.
Liosha, qui comprenait le mode de pensée de son petit ami bien mieux que pouvait le faire toute théorie scientifique, savait bien qu'un souvenir ne pouvait être que proche, ou marquant. Il espérait très fort que c'était un souvenir du futur. Après tout, s'il en avait rencontré un dans le passé, même s'il comprenait que cela puisse avoir un aspect traumatisant, il n'y avait pas de raison que ce soit un souvenir si heureux, n'est-ce pas ? Ou alors, c'était juste de pouvoir lui répondre positivement ? Oh, il réfléchissait trop...
Il serra dans sa main gauche le filet lesté qu'il avait emporté ; cela lui semblait la meilleure méthode pour capturer une créature dont la peau risquait d'être aussi dure que la pierre, n'est-ce pas ? Dans l'autre main, il tenait un long et solide épieu, qui ne blesserait certainement personne, mais pourrait les tenir à distance, et avait entre temps le gros avantage sur le filet de pouvoir aider à la marche, au lieu d'être juste un poids mort.
Il avait fourni à ses trois compagnons les mêmes armes, même s'il ne savait pas très bien comment ils s'en serviraient.
"Je ne l'ai jamais fait." dit-il d'un ton désinvolte, sans parler spécialement à quelqu'un. "Mais j'ai entendu des histoires, de guerriers, de chasseurs, qui maîtrisaient des créatures beaucoup plus grosses que ça, et je trouvais déjà ça super-cool ! Ha ha ! C'est mon tour, aujourd'hui !"
Il fallait bien que les histoires soient suffisantes !
Et justement, quel était ce mouvement qu'il venait de percevoir à l'horizon ? Les villageois ne venaient jamais là, à ce qu'il savait... Il demanda à ses compagnons de rester en arrière. Il s'avança, le coeur battant.
"Eh, elle arrive dans cette direction ! Bonne nouvelle !" s'exclama-t-il, même si une voix dans sa tête était en train de lui souffler "pour la plus grande partie".
Il s'attendait à une victoire glorieuse, ou, au moins, à une défaite héroïque.
Il ne pensait pas que la créature l'éviterait aisément, sans lui accorder la moindre attention, la peste, et se dirigerait vers le groupe qu'il avait laissé derrière des roches, immobile, invisible.
"He !" s'exclama-t-il, paniqué, essayant d'abord de détourner la bête sur lui - c'était peine perdue - puis de la rattraper. Il n'avait pas voulu les exposer ! Ils n'étaient là que parce qu'il répugnait à laisser Rose toute seule quand, visiblement, leur Dieu si contrariant lui voulait du mal. Et parce qu'il voulait que Vani puisse guérir aussi, même s'il se trouvait qu'il était impossible de ramener la créature. Et pour avoir de l'aide pour repérer les pierres explosives. Et, peut-être un peu, pour la compagnie.
Mais pas pour les mettre en danger, de toute façon !
Oh, il ne réfléchissait pas assez.
Il courait de toutes ses jambes, mais ne rattrapait son avance que trop lentement, la créature changeant sans cesse de direction, au cours de mouvements qui pouvaient sembler aléatoires, mais qui faisaient perdre sans cesse son élan à Liosha.
Quand il lui sembla que la créature allait se jeter sur Vani, dans un dernier effort, il lança son filet, de toutes ses forces, et autant qu'il le pouvait dans la bonne direction.
Et il avait bien visé... sauf que dans sa course erratique, la créature s'était désintéressée de Vani. Le filet tomba juste à l'endroit où elle aurait dû se trouver, et maintenant, elle se dirigeait tout droit vers Dash.
La jeune fille n'eut pas un cri. Mais Liosha cria pour elle, sans cesser de courir pour autant, brandissant son épieu improvisé, comme fou.
Quand le Docteur était enfant, on lui avait raconté l'histoire de Rassilon et Omega, qui avaient donné à Gallifrey l'énergie qui permettait les voyages temporels. Rassilon, le théoricien, était devenu Président, et bien plus encore. Omega aurait du recevoir les mêmes honneurs, bien sûr, mais contrairement à Rassilon c'était un ingénieur stellaire, un homme de pratique. C'est lui qui avait soumis l'énergie d'une étoile. Mais il avait été pris dans la supernova résultante, et n'avait pas survécu, mort en héros pour que Gallifrey puisse prospérer, pour que ses habitants puissent devenir les Seigneurs du Temps.
Et maintenant, évanoui, il revivait ces scènes, comme un rêve, ou un cauchemar, son esprit se débattant un instant pour se rappeler que ce n'était qu'une illusion, puis luttant à nouveau pour ne pas se le rappeler, oublier un instant ce qui était arrivé à Gallifrey.
Plus tard, alors qu'il grandissait et se rebellait contre certains des aspects de sa culture, il avait pu douter de certaines choses, et même de la sagesse de Rassilon - mais pas d'Omega. Il était mort, après tout, sans profiter en rien de ce qu'il avait créé. Il semblait plus difficile de douter de lui.
Sauf que...
Il n'était pas mort, et le Docteur l'avait revu. Quatre fois. Ou deux, selon comment on devait définir "fois" dans un univers où il était possible, quoique déconseillé, de croiser sa propre ligne temporelle.
L'ingénieur stellaire avait happé les Docteurs de l'autre côté du monde, dans l'univers fait d'anti-matière où l'explosion l'avait projeté. La force de sa volonté, canalisant l'énergie fournie par le trou noir, lui avait permis de survivre, et même de créer lentement des messagers pour le monde de matière. Ironiquement, il ne pouvait pas s'y rendre, malgré ces moyens de transport. S'il s'éloignait de sa source d'énergie, toute cette protection contre l'annihilation qu'il avait réussi à construire, cette bulle de résistance dans ce monde d'anti-matière, serait détruite instantanément.
Et le Docteur aurait bien voulu l'aider, un des héros de sa jeunesse, condamné à des millénaires d'une terrible solitude, mais...
Non, ce n'était pas comme ça que cela s'était passé, se rappela-t-il, dans un sursaut de lucidité. Il n'avait pas voulu l'aider. Omega était fou. Mégalomane, paranoïaque... il était persuadé que les Seigneurs du Temps savaient qu'il était là, qu'ils avaient saboté sa mission, qu'ils l'avaient isolé volontairement. Il ne voulait pas rentrer pour échapper à cette terrible solitude, à cette tension mentale qu'il ne pouvait pas relacher une seconde. Il avait voulu régner, se venger, écraser. Il avait voulu forcer le Docteur à maintenir la réalité en place, pour lui laisser le temps de partir. Il avait voulu lui infliger son lot, la solitude éternelle.
Non, se rappela le Docteur, pas la même solitude. Omega avait amené là ses compagnons aussi. C'était le Docteur lui-même qui avait réclamé qu'eux, au moins, puissent retrouver leur univers.
De toute façon, même si Omega avait été le noble héros qu'il avait imaginé, même s'il ne lui avait pas prouvé qu'il pouvait encore, à son âge, éprouver des déceptions, même si son retour n'avait pas été synonyme de destruction, même si le Docteur avait voulu prendre sa place, il n'aurait pas pu. Depuis longtemps, le corps d'Omega avait été détruit par les particules d'antimatière qu'il ne pouvait toutes contrôler. Il n'était plus qu'un esprit, alimenté par une source d'énergie, animant une armure complexe... Plus aucune chair. Rien qu'une volonté incroyable qui ne continuait à exister que grâce à sa propre force.
Le Docteur l'avait trompé, n'avait réussi à sauver sa propre vie qu'en lui mentant éhontément. Ce n'est pas comme s'il y avait eu une autre solution, de toute façon... Il l'avait dit. La mort était la seule liberté qu'il pouvait lui offrir, et cette existence prolongée l'avait déjà rendu fou...
Omega n'avait pas disparu, pourtant. Privé désormais, non seulement de corps, mais de toute illusion d'en avoir un, il avait voulu prendre celui du Docteur. Il avait, pour cela, convaincu un Chancelier Gallifreyen de l'aider ; de façon cruelle, un de ceux dont le Docteur connaissait la bonté et l'honnêteté. Qui n'aurait pas porté assistance au héros des Seigneurs du Temps ?
Là encore, il avait fallu l'arrêter. Parce que la copie était imparfaite. Parce qu'elle pouvait provoquer une explosion atomique qui aurait détruit la Terre. Omega ne pouvait pas vivre dans cet univers. Il fallait le détruire, ou essayer. Et cela importait-il, si après seulement quelques heures à vivre sur terre, il semblait avoir déjà à moitié renoncé à ses ambitions de vengeance cruelle, submergé par la joie de vivre à nouveau ? S'il avait choisi de garder en vie tous les compagnons du Docteur, alors qu'il aurait pu...
Cela importait-il, s'il était tout à fait possible de croire que ce corps n'avait été imparfait que parce que le Docteur avait inconsciemment résisté pendant cette intrusion dans ses données biométriques ?
Avait-il seulement mérité de gagner, dans ces aventures ?
C'était pour sauver des vies. Mais Omega avait-il mérité de perdre ? Ne lui devait-il pas quelque chose ?
Et qu'étaient devenus ces idéaux de protection de la vie, quand il avait dû détruire Gallifrey ?
Le Docteur, revoyant en tourbillon ces images de son passé, se sentit plongé dans un désespoir profond, un sentiment d'avoir passé sa vie à faire des erreurs...
Pourtant, c'est comme s'il y avait, tout près de lui, cette bouée de secours, qu'il ne pouvait pas saisir, juste parce qu'il ne regardait pas dans la bonne direction. Son esprit se débattit follement... ah oui...
"Cesse de m'influencer." prononça-t-il mentalement. "Ce n'était pas comme ça. Pas vraiment. Je n'ai rien regretté. Du moins... pas de t'affronter."
"Tu aurais dû." répondit la voix solennelle. "Mais sais-tu ? Je n'ai pas eu le temps ni la possibilité de modifier grand chose. La plupart de ces regrets sont les tiens, et tu sais ce qui est vraiment arrivé."
Puis le tourbillon de souvenirs, comme les voix, cessèrent.
"Il se réveille." annonça Senia.
"Tant mieux." dit le garde, qui semblait épuisé. Ce n'est pas qu'il est lourd, mais..."
Le Docteur se sentit posé à terre, avec une douceur limitée, ce qui acheva de lui faire retrouver ses esprits.
"Relève-toi !" grogna le garde.
Il ouvrit les yeux, puis les referma, ébloui.
Le décor n'avait plus rien à voir avec ces couloirs sombres dans lesquels ils avaient avancé un instant. C'était toujours un labyrinthe, mais il semblait maintenant au Docteur qu'il s'étendait dans la troisième dimension, et peut-être la quatrième ; et non, ce n'était pas juste parce qu'il n'avait pas fini de se relever.
"Si vous voulez fuir, vous ne retrouverez jamais votre chemin." dit Senia d'un air satisfait.
"En êtes-vous sûre ? J'étais très bon à ce genre de petits jeux quand j'étais... houla, cela ne me rajeunit pas." Il sourit à Senia. "Mais je n'irais pas pour autant vous priver de ma compagnie. Vous pourriez mourir d'ennui, sinon."
Il y avait une créature sur la poitrine de Dash, qu'elle ne connaissait pas avant, ou presque pas. Ses griffes lui faisaient mal.
Si cela continuait ainsi, elle allait mourir, réalisa-t-elle, et cette pensée, quoique évidente, la frappa comme profondément étrange.
Mais l'animal préféra, après elle, sauter sur la jeune fille qui les accompagnait... qui était...
En tout cas, Dash ne pouvait pas laisser faire cela !
Elle saignait, et la tête lui tournait. Mais elle se releva. Elle courut vers la créature. Elle la frappa de toutes ses forces de son épieu, encore et encore, sans réussir à lui faire la moindre blessure.
Mais la créature laissa Rose tranquille - Rose, elle se rappelait - et se retourna vers Dash, qui lança son filet.
Exactement en face d'elle, elle ne pouvait pas échouer ! Pourtant, un bref mouvement de côté, et la bête avait deux pattes à l'extérieur du filet, dont elle se servir pour se dégager, apparemment avec peu d'efforts.
C'est alors que Rose lança le sien.
Cette fois, l'animal déjà à demi immobilisé ne pouvait plus se dégager, et resta prisonnier sous les deux filets empilés.
"Vous avez réussi !" s'exclama Liosha qui finissait d'accourir vers elles. "C'est magnifique ! He, Dash, tu es... ça va aller ?"
"Pas grâce à toi..." répondit la jeune fille, avec un sourire en coin. Elle s'assit, pour se reposer, et, ouvrant sa gourde, essaya de nettoyer les plaies. Elle eut une grimace.
"Wow." s'exclama Liosha. "Wow. Tu..."
"Je suis guérie, oui."
Il examina ses yeux qui avaient retrouvé leur teinte normale. "Qu'est-ce que ça fait ? Qu'est-ce que ça faisait, pendant ce temps ?"
"C'est... difficile à dire. Je me rappelle à peu près les événements de ces moments, mais c'est si flou, comme le souvenir d'un souvenir..."
"Et toi ?" demanda Liosha à Rose. "Peut-être qu'il faut encore quelques coups de griffes..."
"Non merci !" s'exclama Rose. Son esprit, à elle aussi, commençait à revenir en place. Les dernières heures lui apparaissaient comme un brouillard, et elle n'arrivait toujours pas à croire que sa première action avec un but avait été d'attraper un lynx au filet de pêche.
Il y avait quelque chose dont elle était sûre, cependant.
"Il faut aller chercher le Docteur !" s'exclama-t-elle. "Je ne me rappelle plus bien, quel est ce "dieu" auquel il va être amené ! En tout cas, il va se retrouver en danger, comme toujours..."
"He, je veux bien ! Ca me ferait même plaisir de jouer un rôle un peu plus héroïque, parce que pour l'instant, j'ai été lésé ! Mais Vani d'abord. Faites-lui toucher la bête ! Après tout, il n'y a pas de raison pour que..."
"Non." dit Dash d'un ton sec.
"Quoi ?" demanda Liosha, lui présentant l'archétype de l'air ahuri.
"Pas tout de suite. Nous devons rentrer."
"He bien, on rentrera après !"
"Comment ? Il est le seul à pouvoir nous protéger encore des explosions sur le chemin du retour ! Elles pourraient nous tuer."
Liosha ouvrit la bouche, la referma, l'ouvrit à nouveau. "C'est... c'est de l'exploitation !" accusa-t-il. "Exactement comme ils font avec vous - comme is faisaient avec vous - enfin, comme ils font toujours, mais tu vois. Dash, c'est mon petit ami !"
"Et c'est mon frère !" Elle se baissa, entreprit de nouer ensemble les filets pour que le lynx, qui maintenant geignait, plaqué à terre, puisse être transporté par deux personnes ensemble. "Ce n'est pas pour ça que je veux qu'on meure ensemble ici !"
"Je vous déteste !" s'exclama Liosha, supposant que Rose était contre lui par défaut, pour raison de solidarité féminine, ou quelque chose. Il retourna vers Vani, souriant. "Ecoute, c'est bientôt fini. On prend la direction de la maison, et puis hop ! tout ira bien. Et ensuite, il faut que je te présente le Docteur..."
"Oh, je le connais !"
"OK, je suis vexé." dit-il avec un sourire qui démentait ses paroles. "Allez, avec nous !"
Rose se fit raconter par Liosha tout ce qui était arrivé pendant qu'elle était malade, et surtout dans quel ordre ; il était bien difficile pour elle de remettre les morceaux en place.
"En premier," s'exclama Dash, qui, avec Liosha, avait insisté pour traîner le filet, "nous amenons cela au village, et nous soignons tout le monde !"
Rose ne protesta pas, mais elle renchérit. "Et ensuite, il faudra l'amener jusqu'à chez Senia. Sa fille, Ludi, est malade, et c'est le chemin que le Docteur a pris."
"Tu ne pourras jamais arriver jusqu'à chez Notre Seigneur sans être guidée !" s'exclama Liosha. "C'est un terrible labyrinthe."
"He bien, j'essaierai !" s'exclama-t-elle. "J'ai déjà vu des labyrinthes !"
"Pas comme celui-là, et... eh, Vani, ça va !"
Il avait fait des efforts pour marcher, mais semblait maintenant proche de s'évanouir, complètement épuisé.
"Est-ce que tu veux boire ? Ou te reposer ? Ou... je le savais ! C'est ce qui arrive quand on laisse les malades seuls ! Ne le laissez pas mourir, enfin !"
"Je suis déjà restée seule pendant plus longtemps..." dit Dash, mais sa voix était hésitante.
"Peut-être qu'il était déjà plus gravement atteint ? Ou peut-être que c'est une question de... truc de causalité, parce qu'on a guéri et pas lui ? Le Docteur expliquerait ça mieux que moi. En tout cas, je suis avec Liosha !" s'exclama Rose.
Dash semblait désemparée. "Evidemment. De toute façon, s'il tombe de faiblesse, ce n'est pas comme s'il pouvait nous guider chez nous de toute façon..." Elle soupira. "Je ne sais pas combien de chances il nous reste, maintenant."
Une sur cinq, avait dit le Docteur, mais ils étaient plus éloignés de la ville, à ce moment ? Il fallait compter sur leur chance, pensa Rose, alors que Liosha enjoignait Vani de balancer quelques énergiques coups de pieds au lynx, pour compenser les autres fois où c'était lui qui leur avait sauté dessus.
"Alors ?" demanda Liosha. "Comment ça va ?"
"Wow." répondit Vani, se frottant le front. Puis, se jetant dans les bras de Liosha "Wow."
"Il faut quand même que je te dise," commença Liosha d'un ton qu'il essayait de rendre décontracté, "que je ne suis pas sûr qu'on puisse rentrer chez nous. Mais j'espère que ça en valait la peine..."
"Mais si, on peut !" s'exclama Vani.
"Comment ça ?"
Il plissa les yeux. "Je me rappelle que je savais." Puis désigna Rose. "Grâce à elle."
"Moi ? Hein ?" Rose sembla embarrassée. "Il doit y avoir une erreur, vous pouvez même mieux vous rappeler les chemins que moi, puisque la dernière fois que je suis venue là, on avait le tournevis du Docteur pour les empêcher d'exploser, et..." Joignant le geste à la parole, elle désigna sa poche...
"Oh." Puis, émerveillée. "Alors il me l'a laissé... je ne me rappelais plus." Puis, soudain presque vexée, la compréhension arrivant peu à peu "Alors, je l'avais tout le temps, je ne craignais rien !"
"Que se passe-t-il ?" demanda Dash.
"Il se passe que nous n'avons plus rien à craindre !" s'exclama Rose avec un grand sourire, brandissant le tournevis sonique. "Tous au village !"
Quand le Docteur passa la porte qui fermait le labyrinthe, il fut frappé par la taille de la pièce, qui constrastait avec tout ce qu'il avait vu de la ville, avait de se rappeler qu'Omega était un mégalomane, après tout.
Oh, et aussi, que même quand on pouvait distordre l'espace comme certains aspects de ce labyrinthe tendaient à le prouver, qu'il fallait un peu d'espace pour installer un champ de confinement d'anti-matière.
Omega semblait flotter au milieu de la boule de vide ; il portait toujours un masque, pas tout à fait le même que les dernières fois.
"Pars, maintenant." dit une voix dans la tête de Senia.
"Dois-je vous laisser ?" demanda-t-elle, comme inquiète.
"Il est temps d'aller chercher ta fille."
Elle réprima à grand peine un sourire de joie, et sortit avec une révérence.
"Docteur." commença Omega, solennellement, quand elle fut partie. La voix résonnait maintenant dans la pièce ; le Docteur put repérer les mécanismes impliqués. "C'était toi. Quelle coïncidence."
"Omega." commença-t-il. "Vous ne le croirez peut-être pas, mais je suis content de vous savoir en vie."
"Comment oses-tu !" tonna la voix. "Comment, après avoir détruit ma planète ?"
La honte que le Docteur retenait le fit soudain trembler, l'écrasa. Il n'avait rien à répondre à cela.
"Notre planète..." répondit-il d'une voix faible. "Elle me manque aussi."
"Ma planète !" asséna Omega d'un ton sans réplique. "J'en ai fait ce qu'elle est, quand tu y es juste né, comment oses-tu comparer ? Que pouvais-tu espérer de moi, sachant que j'étais dans un autre univers pendant la Guerre du Temps ? Que je te tuerais en rétribution ? Je ne vois pas ce que tu peux attendre d'autre de moi !"
Effectivement, le Docteur aurait été incapable de dire à quoi il s'attendait, dans son envie brûlante de revoir ne serait-ce qu'un des siens.
"Mais peut-être auras-tu l'occasion de te racheter un tout petit peu, si la chance est de notre côté. Docteur, je ne devrais même pas demander, car l'un des deux choix te couvrirait de honte : donnerais-tu ta vie pour que renaisse Gallifrey ?"